DR Agnès de Préville & Sabine Sauret
Le déni
« Ils sont au pouvoir, elles sont au service », enquête sur l’Église et l’égalité des sexes [1], est un livre sans langue de buis. Écrit par deux femmes, Agnès de Préville, journaliste, et Sabine Sauret, bibliste, sous le nom de plume de Maud Amandier et Alice Chablis. Préfacé par Joseph Moingt, prêtre jésuite et théologien de renommée, qui qualifie l’ouvrage de véritable « signe des temps ». L’un des rares religieux à oser une parole aussi libre.
Pourquoi vous parler de ce livre ? Parce qu’il faut le lire, parce qu’il est passé sous silence dans les médias catholiques. Ou presque. Comme tous les livres qui dérangent, qui bousculent, qui dévoilent et, au besoin, remettent en cause des représentations mentales ancestrales. Plus ou moins, selon ce que vous sachiez déjà, selon ce que vous êtes disposés à entendre. Quoi donc ? Rien moins que la hiérarchisation des sexes et la discrimination des femmes dans l’Église catholique. Plus exactement, les mécanismes cachés qui les sous-tendent : les mythes (à commencer par le mythe de la Vierge, opposée au mythe d’Ève la pécheresse), le droit ecclésiastique, la théologie, les pratiques liturgiques, les discours moraux et naturalistes sur les femmes.
Les autrices vont droit au but : l’institution a construit un système inégalitaire d’une grande cohérence, fondé sur une violence symbolique qui continue de soumettre les femmes, les culpabiliser et les cantonner dans des rôles assignés. Ce n’est pas simple affirmation, c’est parfaitement sourcé. Il suffit de lire avec honnêteté les textes du magistère – ainsi des encycliques ou des exhortations pontificales – qui jalonnent l’histoire de l’Église.
Comme il fallait s’y attendre, L’Osservatore Romano [2], quotidien du Vatican, a publié une tribune à charge. Heureusement, la mise à l’index n’est plus à l’ordre du jour et le féminisme au XXIe siècle n’est plus une option. N’en déplaise encore à tous ces pontifes qui voudraient penser à la place des femmes. Songeons un instant à Simone de Beauvoir et à sa célèbre phrase : « On ne naît pas femme, on le devient. » Phrase tirée du Deuxième sexe, dont il est bon de rappeler qu’il fut mis à l’Index en 1956…
Tous les chemins mènent à Rome, même celui du Déni
À mon tour, j’emprunte volontiers les vœux de Noël du pape François à la Curie, le 21 décembre 2017 [3] : « Et parlant de la réforme me vient à l’esprit l’expression sympathique et significative de Mgr Frédéric-François-Xavier De Mérode : ‘Faire les réformes à Rome c’est comme nettoyer le Sphinx d’Égypte avec une brosse à dents’ » [4] Parions que les bons vœux du pape auront autant déplu à la Curie que les bons mots de nos deux autrices. Ils ont en commun le mérite de dénoncer une fâcheuse habitude : le déni.
Pascal HUBERT, Golias Hebdo, n° 511
http://golias-editions.fr/article5506.html
[1] Bayard, 2014. http://ledeni.net/fr/
[2] Lucetta Scaraffia, « En oubliant qu’il y a une histoire, beaucoup de stéréotypes dans un ouvrage français sur les femmes et l’Église », L’Osservatore Romano, quotidien du Vatican, 17 septembre 2014, http://ledeni.net/recension-du-osservatore-romano-le-journal-officiel-du-vatican/
[3] http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2017/december/documents/papa-francesco_20171221_curia-romana.html
[4] Cf. Giuseppe Dalla Torre, Sopra una storia della Gendarmeria Pontificia, 19 ottobre 2017.
Pour une présentation du livre par les autrices :
http://ledeni.net/emission-rendez-vous-sur-frequence-protestante-100-7-fm/
« LE DÉNI », REVUE DE PRESSE ET PRÉSENTATION, novembre 2017 https://lc.cx/mG9q
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