D.R. Jean Lavoué
Devenir soi, tout un Poème
Je ne sais plus comment j’ai rencontré Jean Lavoué [1]. C’était sur mon chemin d’exil, voici déjà quelques années. Il m’est tombé dans les mains, au détour d’un livre ou d’une émission peut-être. Peu importe. Ses mots sont tombés dans la terre aride de mon être, alors que je tentais de me frayer un autre chemin. Un chemin de liberté, loin des dogmes qui rassurent, mais dessèchent trop souvent le cœur. J’étais en pleine mutation et j’entendais une voix amie qui me confortait à poursuivre. Je n’étais plus entièrement seul. Pour être plus précis, Jean me rejoignait dans ce que j’avais de plus humain. Mon intériorité, mon être de chair. Il m’invitait à quitter le dieu extérieur, le dieu juge, le dieu moralisateur. Il m’invitait à emprunter désormais un chemin d’intériorité. Un chemin où les mots dansent, où les mots sont pure Poésie.
Le chemin du non-savoir
Lorsque les mots sont justes, ils résonnent en vous. Ils vous mobilisent, vous bousculent, vous redonnent espoir, vous remettent en marche. Vous sentez les mots justes lorsqu’ils vibrent, vivent, irradient celui qui les lit. Lorsqu’ils vous appellent à vivre. Aussi, j’ai lu avec avidité L’Évangile en liberté [2] et La voie libre de l’intériorité [3]. Évangile, liberté, intériorité… Tout cela m’apparaissait, soudain, si incompatible avec le Credo officiel. Tout cela me paraissait soudain si vivant, si fougueux, si inédit, si désirable. Oui, c’est cela : humain ! Tellement humain, tellement neuf, tellement réconciliant avec soi. Et Jean me faisait découvrir d’autres poètes, d’autres mystiques, d’autres chercheurs en quête d’un autre chemin. Je n’étais plus seul, mon horizon s’entrouvrait. Je buvais tous ces auteurs jusqu’alors inconnus : Jean Grosjean, Charles Juliet, Jean Sullivan, Marcel Légaut ou encore Maurice Bellet. J’entrais de plain-pied dans la modernité, dans l’humanisme évangélique. Je pouvais accueillir ma personne dans son intégralité. Il n’était ni bon ni juste de vivre en conflit avec soi, de se voiler la face, de vouloir conquérir un « idéal » inaccessible et mortifère. Et voilà qu’il devenait juste et bon de faire reculer ses frontières intérieures, ainsi que les frontières érigées avec les autres. Les étiquettes peuvent alors voler en éclats, les religions ne peuvent plus nous diviser. Dans cette vie, nous sommes tous en marche, tous en quête, tous amenés à découvrir peu à peu ce qui nous habite en vérité. Patiemment, courageusement, avec douceur, avec bienveillance. Il devient possible de s’aimer soi-même et d’aimer l’autre sur son chemin. Ainsi, comme Jean le souligne dans L’Évangile en liberté, « l’institution cherche à consolider ses bases, tandis que les croyants, ayant goûté à la liberté, poursuivent leur voie dans l’exploration de nouveaux horizons ». Qui aujourd’hui, en vérité, au fond de soi ne se sent pas tenu de faire cet aveu : la voie de l’intériorité a « été longtemps obstruée, interdite, par la voix des clercs. Désormais, et Jésus l’annonce déjà, ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, mais en tout homme ouvert au Souffle qui le traverse que se donne à entendre la parole de Dieu (Jean, 4, 21) ». Et nous voilà embarqué sur un autre chemin : une spiritualité exigeante, mais compatible avec la raison, avec ce qui vit déjà en nous et demande à se déployer toujours davantage : la vie, le souffle, notre humanité. Le mot « Dieu » devient un simple concept humain, il n’a plus de sens véritable, il n’est plus nécessaire de le brandir contre le reste du monde. Fait sens ce qui monte en soi lorsque l’être fait silence : cette voie intérieure qui nous invite à nous unifier, à nous humaniser, à devenir celui que nous avons à être. Chemin singulier, chemin universel. Et « dans le grand orchestre des sagesses, des spiritualités, il revient à chacun de trouver son instrument ». Sont ainsi convoquées également les sagesses d’Orient. Ainsi, sa rencontre avec la tradition chinoise du Qi, souffle ou énergie qui lui fut salutaire, comme une thérapie, ou du moins une sagesse pratique. C’est que Jean, livre après livre, voit La vie comme une caresse [4]. Ainsi, dans l’avant-dernier livre, il nous convie à d’autres rencontres en liberté, qui creusent en nous la terre de l’intériorité. Trois femmes juives : Etty Hillesum, Magda Hollander-Lafon, Christiane Singer. Les deux premières ont connu l’enfer des camps de concentration. Christiane, elle, sait qu’elle va mourir d’un cancer. Des femmes de désir. Des femmes passionnées. Des femmes qui, malgré l’abîme à traverser, sont restées debout, pleinement humaines, pleinement libres, pleinement aimantes. Jusqu’au bout. Merci Jean pour toutes ces belles rencontres. Merci Jean pour notre rencontre à travers tes mots qui, dans mon errance, ont su réveiller mon désir d’intériorité trop longtemps enfoui. Je vous laisse, amis lecteurs, avec son dernier livre, Ce rien qui nous éclaire [5]. Recueil de poésies qui vous conduit vers ce Royaume secret…
S’avancer sans craindre l’obscur
Jusqu’à frôler les premiers pas de l’aube
Descendre au plus noir de la nuit
Pour y trouver des germes de lumière
Se défaire de toute connaissance
Pour laisser croître en soi le Poème (…)
Pascal HUBERT, Golias Hebdo, n° 504
http://www.golias-editions.fr/article5497.html
[1] Depuis 2007, Jean Lavoué tient un blog poétique : « L’enfance des arbres » (http://www.enfancedesarbres.com/).
[2] Jean Lavoué, L’Évangile en liberté, Le Passeur, 2013. Pour lire un extrait du livre : http://religions.blogs.ouest-france.fr/files/l-evangile-en-liberte.pdf
[3] Jean Lavoué, La voie libre de l’intériorité, Salvator, 2012.
[4] Jean Lavoué, La vie comme une caresse, Médiaspaul, 2016 http://www.ecrituresetspiritualites.fr/2016/09/11/jean-lavoue-la-vie-comme-une-caresse/ Pour une présentation du livre par l’auteur : « Jean Lavoué : La vie comme une caresse », https://rcf.fr/actualite/jean-lavoue-la-vie-comme-une-caresse ou « La présence qui sauve», https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir-avec-leili-anvar/la-presence-qui-sauve
[5] Jean Lavoué, Ce rien qui nous éclaire, L’enfance des arbres, 2017.
Pour mieux connaître Jean Lavoué :
https://rcf.fr/culture/portraits/jean-lavoue
Jean Lavoué a quitté la formation du grand séminaire pour devenir travailleur social. Ancien directeur de Sauvegarde 56, ce disciple de Jean Sulivan pose un regard critique sur sa religion.
Les Sourciers – Poèmes en musique :
Très bel entretien avec Jean Lavoué :
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