Les illusions dangereuses

aldous_huxley

 

 

 

 

 

 

 

Je creuse toujours le même sillon. Plus il sera humain, plus il sera spirituel. Moins il sera religieux, moins il sera préfabriqué. Il s’agit de voir clair en soi, plus loin, moins entravé. Cette servitude à la pensée unique, à notre vie aseptisée en société, aux religions instituées. Se méfier du prêt-à-penser. Il est bien souvent autoritaire, démagogue, manipulateur derrière ses attraits rassurants. Prêt à vous endormir. Sous aucun prétexte, il ne faut quitter la raison et la liberté de penser par soi-même. Il est une ligne rouge à ne pas franchir : au-delà, c’est la soumission, les rites figés, la dépossession de soi, l’obscurantisme, la vérité imaginaire. Surtout lorsque viennent la peur, le doute, la défiance de soi. La mort. Lorsque le monde devient insécurisant. Ne jamais renoncer à son intuition première, à son ressenti profond, à l’estime de soi. Se faire confiance, encore. Toujours, ne pas obvier du chemin. Celui entrevu le jour où le soleil brillait, l’évidence suintait. Ne jamais revenir aux idoles, aux gourous, aux promesses éternelles. Le coût est trop lourd, le mensonge flagrant, les illusions dangereuses.

Éternel recommencement ?

Il était un temps où la colère des dieux se manifestait dans l’orage. À coup de sacrifices et de prières, il fallait alors apaiser leur courroux. Mais depuis, l’être humain n’a guère changé. Toujours disposé à se soumettre à d’autres chimères. Malgré la raison et la science. Or, seul ce qui nous rassemble ici-bas et nous fait vivre, en tant qu’homme et femme, devrait nous passionner. Les croyances religieuses divisent, meurtrissent notre humanité, engendrent les guerres fratricides. Je cherche un point commun qui nous ferait vivre en bonne intelligence. Sommes-nous donc incapables de tirer leçon du passé ? Voltaire, Nietzsche, Spinoza, Dostoïevski, Camus, Huxley, Atwood, Orwell, Arendt et tant d’autres. Tous fustigeaient déjà cette soumission infantile aux dieux, aux prêtres, à l’autorité, aux hommes. Une seule et même chose. Une même invention. Un même fardeau. Un même mensonge. Les religieux ont inventé les dieux à l’image des hommes. Pour tirer profit du faible, de l’esclave, de l’ignorant, du croyant, de la femme toujours. Ne voyons-nous pas que c’est vieux comme le monde. Faire de dieu une idole à laquelle se soumettre. Souffrance, péché, tristesse et malheur. C’est tout ce que les inventeurs de dieu ont trouvé de mieux pour faire de notre vie ici-bas un véritable enfer. Dans l’espoir fantasmé d’un monde meilleur, dans l’au-delà. Ainsi, ils nous enjoignent de choisir entre le péché et la sainteté. Ils nous inoculent le poison de la culpabilité et prétendent ensuite nous apporter le remède. Disons-le tout net : le mal commis par l’Église est incommensurable. Alors, je creuse toujours le même sillon. Pour me défaire d’une illusion millénaire, enfuie au plus profond de notre chair. Une illusion transmise génération après génération. Par les religieux ignorants de la vraie vie. La plupart du temps âgés et tous célibataires. Des « eunuques pour le royaume des cieux » [1], disent-ils. Est-ce que leur monde est sérieux ? Ils nous ramènent en des temps que j’aimerais révolus. Sans sourciller, nous y avons pourtant cru, et nous y prenons encore part. Déjà vingt-et-un siècles écoulés…

Les illusions dangereuses

Au vu de l’histoire religieuse, qui pourrait sérieusement prétendre le contraire ? Il serait temps que ces « hommes de dieu » se libèrent de leurs illusions et, du même coup, nous libèrent de ces chimères d’un autre temps. Que tous ces théologiens de la fausse vie, patentés par un « dieu le Père », après diplôme dûment certifié auprès de la docte Vérité, reconnaissent enfin qu’ils se sont fourvoyés. Et nous ont trompés, par la même occasion. D’un coup, nous verrions tous ces croyants se libérer de leur joug… embrasser enfin la vie… Cela n’arrivera pas, évidemment. Personne ne désire disparaître. Plutôt s’agripper au pouvoir – sacré ! – que mourir. Aussi, je vous encourage vivement à lire les Illusions dangereuses, de Vitaly Malkin [2]. Parmi d’autres vérités désagréables à entendre, il écrit notamment celle-ci : « Mon idée rejoint celle de Nietszche : Dieu est mort, mais des groupes cherchent désespérément à le ressusciter. » Pourtant, rien dans les promesses du dogme, de ceux qui l’orchestrent et l’ont imposé au fil des siècles n’est en réalité compatible avec une société humaine. Et de poursuivre : « La foi la plus intense est la foi religieuse. Elle affirme qu’il existe des phénomènes surnaturels pour l’explication desquels la raison ne suffit pas. La foi n’est rien d’autre qu’un déni du bon sens et de l’ensemble de l’expérience humaine. […] Un grand nombre de personnes préfère vivre, non pas dans la réalité visible, mais dans une illusion monstrueuse. » Mais alors me direz-vous peut-être : « La vie n’a pas de sens ? » Mais bien au contraire ! Il ne s’agit plus de souffrir pour des chimères et de chercher encore du sens dans le non-sens. Il n’est plus question de chercher une Vérité «  à tout prix ». Il s’agit de se faire enfin confiance et d’aimer la vie sans plus attendre. Aucune religion ne veut votre bonheur. Les promesses éternelles sont seulement pour celles et ceux qui se sacrifient ici-bas. Pour plaire aux dieux, mentent-ils. Cette soumission, une fois encore, est pure folie. Davantage même : une escroquerie, une manipulation, un formatage qui remonte à la nuit des temps. C’est criminel de vouloir mettre ainsi l’humanité sous emprise. Quel dieu peut en effet vouloir ça ? Je veux dire : quel Dieu d’Amour (celui que prêche l’Église…) ? Avec Vitaly Malkin à nouveau, regardons en face une réalité qui devrait suffire à nous convaincre : « Mon rejet du monothéisme a pour raison première la conviction qu’il a marqué un point d’inflexion magistral dans l’histoire de l’humanité […]. L’acceptation de la doctrine du monothéisme a considérablement freiné les progrès de la civilisation humaine, et, quels qu’aient été ses efforts durant des siècles, elle n’a pas réussi à rendre les Hommes plus heureux, bien au contraire. « 

Vivre libre

Conscient de cette réalité, enfin debout et libres devant les dieux, par amour de cette vie, autorisons-nous à vivre désentravés des religieux, des dogmes et de toutes ces superstitions légendaires pour lesquelles tant et tant de vies furent sacrifiées en vain. Regardons en face ce que l’Église n’a cessé de nous proposer depuis les origines : le jeûne, la prière, le sacrifice, l’exaltation de la souffrance, la pénitence, l’oubli de soi, l’évangélisation des autres. Jamais le plaisir des sens, le désir charnel, le bonheur de vivre. Avec la religion, il subsiste toujours un arrière-goût de peur de vivre, de culpabilité et de péché mortel, d’enfer promis à qui ne marcherait pas dans les sentiers de la morale et du dogme.

Ce qui seul nous unit

J’ai failli oublier l’essentiel : qu’est-ce qui nous rassemble ? Qu’est-ce sinon notre commune humanité. Le fait d’exister, de vivre au mieux avec soi et les autres. Si chacun partait de ce qui monte en lui, de son humanité et non plus de ce qui lui fut inculqué ici ou là, des dieux innombrables, alors, et alors seulement, nous pourrions vivre ensemble, parler un langage commun. Le langage des femmes et des hommes de notre temps. Chacune et chacun en chemin. Le sien, libres et égaux. Utopie ? Je sais le chemin long et douloureux. Ce n’est pas pour rien que je creuse toujours le même sillon.

Pascal HUBERT, Golias Hebdo, n° 531

http://golias-editions.fr/article5544.html

 

[1] Uta Ranke-Heinemann, « De eunuques pour le royaume des cieux », Fayard, 1992.

[2] Vitaly Malkin, Illusions dangereuses : quand les religions nous privent de bonheur, Hermann, 2018 ; voy. également sur mon blog « Deviens ce que tu es », l’article « ‘Illusions dangereuses’, Vitaly Malkin ».

 

Dans Le Meilleur des mondes, la société a été entièrement réorganisée sous l’autorité d’un Dieu appelé Ford et d’une oligarchie totalitaire. Les êtres nouveaux sont conçus en fonction des besoins du nouvel État et les meilleurs éléments dupliqués à l’infini. Le beau et le gratuit sont prohibés. Un jour, un ingénieur s’échappe et revient avec un sauvage. Et si ce système trop bien rodé en venait à se gripper ?

https://education.francetv.fr/matiere/litterature/troisieme/video/le-meilleur-des-mondes-d-aldous-huxley

 

Les plus belles citations d’Aldous Huxley

 

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