Un instant, dans la peau d’une femme
« Alors la femme glissa dans la résignation. Et, pour éviter la blessure, dans la complicité. […] Le sort des femmes n’échappait pas à la règle qui perpétue les grandes oppressions de l’Histoire : sans le consentement de l’opprimé – individu, peuple, ou moitié de l’humanité – ces oppressions ne pourraient s’étendre, ou même durer. »
Gisèle HALIMI, «La cause des femmes»
Cela fait des siècles que les hommes, l’air de rien, sans bonne raison, dominent les femmes. Et que cette réalité se perpétue, génération après génération. De conditionne-ment en conditionnement. Les femmes au foyer, excisées, voilées, vierges ou mères, impures par essence, esclaves et soumises, doivent se taire, rester belles et gentilles. L’air de rien. Elles sont des corps, prostitués en temps de paix, violés en temps de guerre. En vérité, elles ne sont pas aimées pour elles-mêmes : telles des femmes, à l’égal des hommes. L’air de rien. D’où vient cette réalité admise, cette sournoise habitude ? A cause de cette virilité abusive [1]. Celle inculquée aux garçons depuis la nuit des temps et dès le berceau. Et pourtant, au fond, cela ne fait le bonheur ni des femmes ni même des hommes. Il est impossible de vivre pleinement sa vie au détriment d’autrui. Moi, comme tous les hommes, avons été conditionnés. Mais, prenant peu à peu conscience de cette injustice, il m’est impossible d’en rester là. Je suis choqué, mais je suis aussi responsable de cette situation. C’est que rien ne se construit à l’insu de notre plein gré. Les hommes acceptent et aiment jouer de leur puissance masculine, tellement confortable. Écraser la femme pour exister, n’est-ce pas vieux comme le monde ? Celui qui domine jamais ne partage volontiers le pouvoir. A ma mesure, je souhaite mettre fin à cette absurdité. Honnêtement, pour dénoncer un mépris séculaire, qui n’a que trop duré. J’aurais tant aimé parler avec les filles quand je n’étais encore qu’un gamin, au lieu de les considérer comme « l’autre sexe ». Incapable de les aborder, leur différence me faisait peur. Je savais alors si peu qui j’étais. Et me voilà contraint de chercher les mots vrais. C’est vrai, tant d’injustices du simple fait d’être nées femmes. J’enrage, c’est vrai. Aujourd’hui, je suis père et je vois grandir ma fille que j’aime et à qui je voudrais que rien de mauvais jamais n’arrive – ni parole sexiste, ni baiser forcé, ni main aux fesses, viol moins encore. A cause de ces putains d’hommes et de leur prétendu sexe « fort ». Comme je voudrais que les femmes se libèrent du joug des mâles. Qui n’auront jamais apporté que la violence, jamais l’égalité de fait. Toujours considérées comme secondaires, complémentaires. Je sais la tradition millénaire, les mots convenus. Mais, je n’en veux plus. Trop insupportables. Venez, entendez seulement ces mots, prenez conscience de leur justesse. Terminons-en. Je me souviens, adolescent, de ces jeunes filles avec leur pilule dans leurs plumiers. Je me souviens des jeunes garçons avec playboy à la récré. Les femmes valent infiniment mieux qu’une plastique à baiser. Partons de la réalité, pour la dépasser enfin. Disant cela, je veux qu’elles se révoltent. Enfin, qu’elles se libèrent de leur voile, leur joug, leur soumission millénaire. Je connais trop la rhétorique qui pousse les femmes à se taire, se voiler la face, pour l’amour des dieux, par la volonté des hommes, parce que ce serait inscrit dans leur nature. Le tout, librement. Cette maudite rengaine, toujours au détriment des femmes, commence dès la naissance, dès le premier jouet, dès le premier vêtement. Dès les premiers mots : « Tu seras une femme ma fille, un homme mon fils. » Séduisante la première, viril le second. Elle en rose, lui en bleu. Elle avec ses poupées, lui avec ses chars. « Tu ne la joueras pas garçonne, tu ne la feras pas efféminée. Tu resteras bien genré, chacun à sa place.» Ah merci la religion, au passage, d’avoir légitimé le patriarcat à coup de paroles sacrées, descendues si droit du ciel que c’en est devenu si naturel. Je ne veux plus de cette virilité, de ce sacré, de ce pouvoir qui avilit la moitié de l’humanité. De cette folle bêtise, de cette arnaque, de ce désamour séculaire. Au nom du mépris, à cause du sexe prétendument « faible », de la femme soi-disant tentatrice. De cette impureté logée dans la seule tête des hommes. Incapables de gérer leurs pulsions, seulement d’inventer des textes pour soumettre les femmes au nom de leurs dieux mâles. De ces archétypes pris aux pieds de la lettre. Repris en chœur par tous ces religieux, tous mâles évidemment. Je veux qu’éclatent toutes ces assignations forgées par le patriarcat. Voyez seulement la réalité séculaire : aucun homme n’a jamais libéré la femme. Elles doivent leur émancipation à leurs propres luttes (De Gouges, Groult, De Beauvoir, Taubira, etc.), jamais définitivement acquises d’ailleurs. Les hommes ont seulement inventé les dieux pour laisser libre cours à leurs désirs inavouables. Alors ils décident pour vos têtes, vos ventres, vos rires et le moindre de vos (faux) pas. Et ils exigent – que vous aimiez – votre libre soumission archaïque, votre « libre arbitre »… Depuis votre naissance jusqu’à la tombe. Du haut de leur force virile, ils lancent leurs fatwas, leurs dogmes, leurs encycliques, leurs vérités sacrées ! Révoltez-vous et rendez enfin le monde plus humain ! Avant qu’il ne soit trop tard… Il n’est pas de loi naturelle, seulement une imposture des mâles pour conserver le pouvoir. Remarquez encore, depuis la nuit des temps, ce sont toujours les hommes qui parlent à la place les femmes. Du bien et du mal, de ce qui est bon pour vous. Ce sont eux qui vous essentialisent et savent mieux que vous. Et, comble de malheur, si nombreuses sont les femmes qui abondent dans leur sens, aveuglées par tant de conditionnements. Il est temps que tout cela cesse. Femmes, rendez le monde meilleurs. Soyez enfin libres et prenez la parole pour dénoncer votre oppression millénaire…
Pascal HUBERT
[1] EDDY de PRETTO – Kid, http://k6.re/k4RBM
Carole Thibaut, directrice du centre national dramatique de Montluçon (Théâtre des Îlets – CDN de Montluçon), refuse un Molière au Festival Avignon 2018, dans un discours décapant contre le sexisme, et la domination masculine !
N’hésitez pas à m’écrire, me donner votre avis, m’adresser une suggestion à : deviens.ce.que.tu.es333@gmail.com
Choderlos de Laclos l’écrivait déjà, vous savez, que jamais les hommes ne pourraient aider les femmes à se libérer du patriarcat et que leur libération ne dépendait que de leur volonté et de leur courage (introduction du petit livre indispensable: des femmes et de leur éducation).
Gisèle Halimi, grande grande dame qui a écrit un autre magnifique petit livre : « ne vous résignez jamais ». Je vous le conseille. Il est juste formidable.
Beauvoir, le deuxième sexe évidemment.
Et puis, une autre grande dame féministe américaine: Andrea Dworkin. Son manifeste pour 24H sans viol devrait être lu à tous:
https://tradfem.wordpress.com/2014/11/15/je-veux-une-treve-de-vingt-quatre-heures-durant-laquelle-il-ny-aura-pas-de-viol-2/
Et puis, si vous ne l’avez pas encore vu, vous avez le documentaire « la domination masculine » de votre compatriote Patric Jean, documentaire paru en 2009 et très fort sur le sujet.
https://actu.orange.fr/societe/videos/la-domination-masculine-de-patric-jean-illusion-de-l-egalite-VID0000001M3ys.html
Et puis un livre que je suis en train de lire, très intéressant, paru tout récemment: on ne naît pas soumise, on le devient, de Manon Garcia:
https://www.franceculture.fr/societe/manon-garcia-lexperience-detre-une-femme-cest-lexperience-de-se-soumettre-aux-hommes
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Merci pour toutes ces références. Le pire, c’est encore, me semble-t-il, lorsque les femmes elles-mêmes perpétuent leur joug sous couvert de liberté et de croyances religieuses…
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