Te connaitre. Susciter en toi une mutation.
Et par cela même, repousser tes limites, trancher tes entraves, te désapproprier de toi-même tout en te construisant un visage.
Créer ainsi les conditions d’une vie plus vaste, plus haute, plus libre.
Celle qui octroie ces instants où goûter à l’absolu.
Tu songes de temps à autre à Lambeaux. Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours tu.
Lorsqu’elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s’avancer à leur suite la cohorte des bâillonnées, des mutiques, des exilés des mots…
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance…
ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés…
ceux et celles qui crèvent de se mépriser et se haïr…
ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’il n’ont jamais été écoutés…
ceux et celles qui qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte…
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge…
ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse …
Charles Juliet, Lambeaux
« DE VOUS À MOI. »
L’écriture de ce livre aura exigé cinquante ans. L’âge de la maturité, de la lucidité, du courage. Pour trouver les mots justes, pour sortir de l’enfance et de ses croyances, pour briser enfin le silence.
Pour ne plus tolérer l’intolérable, pour reconnaître ce qui fut. Pour se libérer et vivre enfin sa vie…
Pour faire la paix avec soi et pour rejoindre autrui.
Personne n’a à subir, une vie durant, le trauma de l’enfance, la culpabilité, la honte de soi. L’adulte a le droit, et même le devoir, de briser ses chaînes, de se libérer de ses entraves, de se réaliser enfin. Pour soi, bien sûr, mais aussi pour les autres autour de lui.
*
Au fond, j’ai écrit ce livre « pour une seule raison/Il y a en moi une voix/Qui refuse de se laisser réduire au silence » (Sylvia Plath).
Le quatrième de couverture résume à lui seul mon propos : « Enfant, j’ai vécu un trauma dont j’ignorais l’existence. Il était enfui au plus profond, tel un secret tombé au fond du gouffre. Mais les mots ont désenfoui le silence de la mère, la schizophrénie du père. Des mots nus, d’une lucidité sans faille ni tabou. Pour remonter à la source de l’être et se réconcilier avec soi. Pour se connaître et rebâtir sa demeure. Chemin faisant, j’ai passé au crible l’enfance, la religion et ma vie. Tout ce qui est inextricablement lié et a failli me tuer. Ces maux sont ma vérité. Ils sont miens, un peu vôtres peut-être. »
Oui, je vivais dans un épais brouillard et me clarifier devenait impérieux :
« J’écris, pour ne pas mourir. Et si possible, pour vivre. Par nécessité vitale. Pour sortir de la fracture dans laquelle je suis tombé, enfant. Une fracture qui s’est faite sans bruit. Une fracture insidieuse. Comme un air toxique et inodore respiré la nuit, dans mon sommeil. Personne n’a rien dit. Sauf mon corps. Je devais faire erreur. Ce que je vis, tout le monde le vit. Tout le monde le vit et le cache. La condition humaine est ainsi faite. Mal faite. Avec cette envie de mourir qui me chevillait au corps, puisque survivre fait si mal. Ces mots ou d’autres, je les ai écrits tant de fois, depuis si longtemps. Ils ne disent jamais assez. Ils restent toujours trop confus, en deçà de ce qu’ils cherchent à signifier. Alors je les reprends, je creuse, je désenfuis. Je tâche encore de remonter à la source, à l’enfance, au passé, à l’air vicié, aux eaux usées. À la blessure originelle. C’est épuisant de perdre ainsi son temps. C’est terrifiant de marcher sans savoir où mène le chemin. »
Pascal HUBERT, De vous à moi (extrait)
Le livre est disponible ici :
https://www.thebookedition.com/fr/de-vous-a-moi-p-361599.html
Pour mieux comprendre le trauma :
Muriel Salmona : La mémoire traumatique
voy. également les nombreux liens autour du livre d’Adélaïde Bon, La petite fille sur la banquise : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20180311_La_petite_fille_sur_la_banquise.pdf
Mathilde Brasilier : Inceste et amnésie traumatique
« La nécessité intérieure de bâtir sans cesse de nouvelles illusions et de nouveaux dénis pour éviter de vivre sa propre vérité disparaît une fois que cette vérité a été vécue. Nous voyons alors que toute notre vie nous avons redouté quelque chose, nous nous sommes défendus contre quelque chose, qui ne peut plus arriver, car c’est déjà arrivé, et ceci au début de notre vie, alors que nous étions sans défense. »
Alice MILLER, L’enfant sous terreur