Isabelle de Lovinfosse est l’une des rares personnes à témoigner à « visage découvert » et nous l’en remercions. C’est, nous semble-t-il, le signe – devenu ! – évident qu’elle n’a plus à se « cacher » derrière les « belles apparences » de l’Opus Dei, étant la recherche de Dieu dans les circonstances ordinaires de la vie quotidienne (au travail, en famille).
Isabelle de Lovinfosse avait déjà participé au livre à voix multiple De l’emprise à la liberté, sorti en 2017, dont je vous ai déjà entretenu sur ce blog, dans un article intitulé Contre le cléricalisme et ses dérives sectaires : soutenez la pétition sur ‘Change.org’ ! (ici encore) et qui a pour but de soutenir la pétition initiée par Renata Patti.
*
Je reprendrai donc ici quelques extraits du « questionnaire » ayant servi à illustrer les dérives sectaires au sein des trois mouvements ou communautés, étant, pour rappel, les Focolari, les Légionnaires du Christ et l’Opus Dei.
Notre témoin, pour sa part, n’y va pas par quatre chemins sur la manière dont l’Opus Dei la traitée : « Je n’ai pas quitté : on m’a poussée dehors sans préavis et sans discussion possible. Les vraies raisons de ma mise à la porte ne m’ont jamais été communiquées, malgré ma demande orale et écrite à ce sujet. La Prélature ne s’est pas inquiétée de l’impact que cette décision unilatérale allait avoir sur notre couple ; […]. »
Comme souvent, les belles apparences permettent, dans un premier temps, d’aguicher le chaland : « Sur papier, tout à l’air très joli. Beaucoup d’aspects séduisent les tenants d’une organisation bien réglée : rigueur morale, enseignements fidèles au Magistère, au Saint-Père, aux dogmes. Liturgie soignée, maisons bien tenues, personnes tirées à quatre épingles… Si les observateurs apostoliques s’en tiennent aux manifestations externes de l’Institution, il est normal qu’ils soient subjugués. »
Mais la réalité vécue au sein du mouvement est toute autre et les dérives sont nombreuses, ainsi qu’elle le raconte. Il y est question de « pression psychologique. Trop de normes de piété à accomplir chaque jour, ce qui produit du stress et de la culpabilité. La peur de ne pas y arriver était très présente, surtout dans mes jeunes années. On nous explique de long en large que c’est notre responsabilité de tout faire pour bien vivre notre ‘vocation’ à l’OD. Que nous avons la grâce pour cela. » Par ailleurs, « la prière est constituée d’un ‘plan de vie’ dont l’accomplissement prend deux heures à deux et demie par jour. Tout un programme à combiner avec la vie de famille, le travail professionnel. Quand les deux parents sont soumis au même régime, cela devient du jonglage… »
Et, comme pour les Focolari ou les Légionnaires du Christ, il devient évident qu’il ne s’agit pas de dérives ponctuelles ou de quelques personnes nuisibles, ce qui explique que les dysfonctionnements dénoncés subsistent encore, avec leurs abus : « Je crois que l’Opus Dei a très peu évolué. Le Fondateur et ses conseillers ont pris grand soin de bâtir un édifice qui puisse défier les siècles (espèrent-ils…). Les dérives sectaires qu’on y trouve sont présentes depuis le début. Elles sont structurelles et non accidentelles », affirme ainsi notre témoin.
Finalement, après 29 années passées au sein de l’Opus, Isabelle de Lovinfosse est en droit de poser ce constat lucide et sans appel : « Selon moi, le gros souci à l’Opus Dei est que le type de spiritualité qui y est prônée correspond bien mieux à un profil de célibataire qu’à celui de personnes engagées dans le mariage.
On le voit, tout d’abord, dans la quantité de temps pris au quotidien pour faire les normes de piété, mais bien davantage encore, à la captation des esprits qui sont rendus incapables de ‘quitter père et mère’ comme le recommande une saine écologie conjugale.
La fonction ‘maternelle’ de l’Opus Dei se fait sentir dans la pratique des entretiens spirituels et dans la fraternité, tandis que la fonction ‘paternelle’ est perceptible dans l’appel à l’apostolat, dans l’exigence du respect de la Loi divine (laquelle est enrichie de préceptes que l’Église ne demande nulle part aux fidèles laïcs de faire), dans l’insistance sur la grandeur de la vocation de surnuméraire, etc.
Les époux ainsi formatés, chacun de leur côté avec leur directeur personnel sont empêchés de découvrir où Dieu les attend car La Prélature leur fournit une mission standard, ‘one size’, à savoir : travailler pour ses buts à elle, en exigeant tout, tout, tout. »
Ainsi, une fois encore, tout désir personnel est étouffé au bénéfice de l’Oeuvre…
Depuis sa « sortie » de l’Opus, Isabelle, elle, a repris sa vie en main… C’est ainsi que, théâtrothérapeute, elle anime désormais des ateliers d’expression théâtrale et d’improvisation à Bruxelles.
C’est dire que le temps de l’effacement et de la soumission à l’autorité religieuse est révolu, au profit d’une vie enfin pleinement libre et assumée…
Nous voilà bien loin d’un autre « Chemin », tel que préconisé par le fondateur de l’Opus, Josémaria Escriva : « Sois fort. – Sois viril. – Sois homme. Et puis… sois ange. » Tout en exhortant également ses membres « d’aimer, de bénir, de sanctifier et de glorifier la douleur ! »
Enfin, on ne sera pas étonné que l’Oeuvre, elle, fidèle à la doctrine de son fondateur et en conformité avec ses convictions inébranlables, avait souhaité réagir au livre « De l’emprise à la liberté« , non pas pour reconnaître une quelconque dérive en son sein, mais dans le seul but de protéger sa réputation et celle de ses membres. Tout au plus admet-elle des « erreurs » et des « maladresses », qui, bien entendu, « ne constituent pas des dérives » (lettre publique du 12 avril 2017, Opus dei.lettre avril 2017 pdf).
Dont acte.
Si, vous aussi, vous êtes convaincus du bien-fondé de la pétition contre le cléricalisme et ses dérives : venez la signer !
*
Pour aller plus loin:
- La face cachée de l’Opus Dei de Bruno Devos (disponible gratuitement en téléchargement sur le site)
- Dans l’enfer de l’Opus Dei de Véronique Duborgel
- L’Opus Dei, une église au cœur de l’Église de Bénédicte et Patrice Des Mazery
- Le monde secret de l’Opus Dei de Michael Walsh
- Opus Dei. Enquête au cœur d’un pouvoir occulte de Christian Terras
- Les nouveaux soldats du Pape ; Légion Du Christ, Opus Dei, Traditionalistes de Fiametta Vener & Caroline Fourest
- Documents, testimonies, analysis & informations about Opus Dei
Ceux qui préfèrent l’image peuvent consulter les documentaires suivants :
« En 2007, Véronique Duborgel, ancienne surnuméraire, publiait un témoignage poignant retraçant ses treize années « dans l’enfer de l’Opus Dei ». Le jour même, la Prélature réagissait par la voix de sa Porte-Parole, Béatrice de la Coste afin de manifester sa compréhension pour le vécu de l’auteur et surtout pour minimiser l’impact de son témoignage. Aujourd’hui, Isabelle de Lovinfosse qui connait bien l’Opus Dei de l’intérieur, revient sur quelques éléments de ce communiqué de presse. »
Trois questions sur le témoignage d’une ancienne membre de l’Opus Dei
« Publié en Espagne en 1992, le livre de Maria del Carmen Tapia, ancienne « numéraire » de 1948 à 1966, vient de paraître en France pour la première fois. Le fondateur et les méthodes de l’Opus Dei y sont présentés sous une face très négative. »
L’Opus Dei: Origine, recrutement et organisation
Entretien: Dorian de Meeûs
« L’image de l’Opus Dei est souvent sulfureuse de par sa volonté historique de discrétion, le choix de ces laïcs qui consacrent leur vie à Dieu et les rituels de sacrifices corporels. En ce début de Conclave et alors que certains estiment que l’influence de cette prélature est très importante au Vatican, La Libre.be a rencontré le porte-parole belge de l’Opus Dei, Stéphane Seminckx, afin qu’il nous donne sa vision de cette prélature personnelle de l’église catholique: fondateur, histoire, organisation interne, discipline, influence politique, pouvoir au Vatican, financement, mythes et mortifications. »
Dentro l’OPUS DEI intervista a Emanuela Provera
2 réponses sur « Isabelle de Lovinfosse, une ex-membre surnuméraire de l’ « Opus Dei » »