POUR UN NOUVEAU CREDO
EN PRÉAMBULE : « DIS-MOI, D’OÙ ME PARLES-TU ? »
« Dis-moi, d’où me parles-tu ? » Je me pose parfois cette question en écoutant mon interlocuteur parler de « foi ». Quel sens revêt-elle pour lui ? Quelle expérience revêt-elle dans sa vie ? Possède-t-il la « foi », telle une certitude ? Quelle vérité alors ? De quelle provenance ?
Pour ma part, j’ai abandonné les questions sans réponses, les questions savantes dont les réponses ne seraient pas inscrites au creux de mon expérience. Les questions dont toutes les réponses seraient inscrites par avance dans des livres à apprendre par cœur.
Quitter sa propre Tradition religieuse si son invraisemblance m’apparaissait, voilà d’emblée le plus difficile pour un croyant. Il est autant d’obstacles à franchir que de mauvaises raisons qui l’ont amené à croire. Il lui faut enlever une à une les pierres de l’édifice qui lui paraissaient si judicieusement placées au fil des siècles qu’elles lui semblaient toutes indispensables. L’édifice n’est-il pas majestueux ? Et, de fait, toucher à une pierre, n’est-ce pas prendre le risque de voir tout l’édifice s’effondrer ? « Que Dieu me pardonne », prie le croyant qui craint de tomber en enfer pour avoir touché au Sacré. Mais, la réalité est plus redoutable encore : et si c’était les fondations d’une vie entière qui, soudain, s’écroulaient ? Mais, justement, que vaut une vie entière fondée sur l’ignorance et la peur ? Et s’il s’agissait d’être enfin libre, pour être soi ?
C’est une réalité qu’il s’agit désormais de regarder en face : les religions nous ont trop souvent habituées à leurs croyances – descendues d’un imaginaire céleste et révisées au cours des âges du fait des sciences – pour ne pas garder, sans cesse, un esprit critique face à leurs innombrables prétentions à régenter l’humanité de la naissance à la tombe. Aujourd’hui, la « théorie du complot » ne tient plus, pas davantage que les attaques du diable censées vouloir la destruction de l’Église « universelle ». Aujourd’hui, la plus grande menace provient bel et bien de l’intérieur même de l’église (entre autres, pédophilie des clercs, dérives sectaires de nombreux mouvements et communautés ecclésiaux, traditionalisme moyenâgeux, scandales financiers, orgies sexuelles et, dernièrement encore, abus de pouvoir commis à l’égard de centaines d’enfants ayant fait la renommée mondiale de la chorale de Ratisbonne). Aujourd’hui, ce qui n’est pas (encore) prouvé ne saurait plus être, ipso facto, vérité de foi. Et ce n’est pas le fait d’avoir été contrainte à séparer foi et raison qui résoudra les inextricables erreurs qui s’attachent encore aux pseudos vérités de la religion catholique. L’herméneutique de la continuité dans la discontinuité, pour ingénieuse qu’elle fût afin de sauvegarder une Vérité, de fait changeante, s’avère en finale totalement bancale… pour ne pas dire faillible depuis ses origines. Sans parler des viles menaces tenues par le clergé à l’encontre des esprits critiques et éclairés qui, en réalité, auront permis à l’Eglise de ne pas sombrer entièrement dans l’obscurantisme, mais sans que celle-ci ne juge pourtant utile de se remettre plus fondamentalement en question. Rappelons que la crise moderniste [1] regorge d’esprits illustres qui auront été impitoyablement persécutés par la « Sainte Église » (de la torture à la mise à l’index, en passant par l’excommunication, la menace de l’enfer et autres stratagèmes indignes d’une saine liberté de penser). Songeons à Loisy, Tyrrell, Turmel, von Hügel, Brémond et, plus proche de nous, à Drewermann, Küng, Spong. Ce n’est pas sans raison que Marcel Légaut avait déjà pu faire ce terrible constat : l’Église aura crucifié ses meilleurs serviteurs… Ainsi, la répression anti-moderniste n’aura été qu’une « perte immense », un « échec lamentable » [2], un « véritable génocide des spirituels qui s’efforçaient d’être authentiques dans les formulations de leur foi » [3].
Nous devrions toujours garder en mémoire les leçons de l’histoire des religions si nous ne voulons pas qu’elles se répètent au détriment de la modernité, de la libre pensée, de ces femmes et de ces hommes à la recherche de leur humanité.
C’est ce qui faisait déjà dire à Voltaire, dans son Traité sur la tolérance : « S’il se trouvait quelqu’un assez dépourvu de bonne foi, ou assez fanatique, pour me dire ici : Pourquoi venez-vous développer nos erreurs et nos fautes ? Pourquoi détruire nos faux miracles et nos fausses légendes ? Elles sont l’aliment de la piété de plusieurs personnes ; il y a des erreurs nécessaires ; n’arrachez pas du corps un ulcère invétéré qui entraînerait avec lui la destruction du corps : voici ce que je lui répondrais. Tous ces faux miracles par lesquels vous ébranlez la foi qu’on doit aux véritables, toutes ces légendes absurdes que vous ajoutez aux vérités de l’Évangile, éteignent la religion dans les cœurs ; trop de personnes qui veulent s’instruire, et qui n’ont pas le temps de s’instruire assez, disent : les maîtres de ma religion m’ont trompé, il n’y a donc point de religion ; il vaut mieux se jeter dans les bras de la nature que dans ceux de l’erreur ; j’aime mieux dépendre de la loi naturelle que des inventions des hommes. D’autres ont le malheur d’aller encore plus loin : ils voient que l’imposture leur a mis un frein, et ils ne veulent pas même du frein de la vérité, ils penchent vers l’athéisme ; on devient dépravé parce que d’autres ont été fourbes et cruels. Voilà certainement les conséquences de toutes les fraudes pieuses et de toutes les superstitions. »
Osons donc aborder frontalement les religions prétendument « sacrées », plus particulièrement la religion chrétienne.
D’UNE PETITE SECTE JUIVE À UNE RELIGION D’ÉTAT
« Le christianisme est une secte qui a réussi », affirmait déjà Ernest Renan [4], historien et philologue français qui a grandement participé au XIXe siècle, à la naissance des « sciences des religions ». Et, de fait, l’attente des premiers chrétiens est celle de la fin des temps, c’est-à-dire l’établissement du royaume de Dieu sur terre et le retour de Jésus. Cette attente, qui ne sera jamais couronnée de succès, donnera naissance à la religion chrétienne. D’où, ces mots cinglants d’Alfred Loisy (1857-1940), théologien catholique français qui fut excommunié : « Jésus annonçait le royaume et c’est l’Église qui est venue. »
Ainsi, force est de constater que les dérives ne sont pas l’apanage du seul islam radical, mais qu’elles sont une constante qui traverse tous les monothéismes. Aussi, à l’extrême opposé de ceux qui prétendent détenir un savoir indiscutable, je voudrais m’arrêter un instant à ceux qui ne savent pas, qui doutent et se questionnent sans cesse. L’honnêteté intellectuelle, que l’on soit croyant ou non, exige en effet que nous prenions en compte les arguments des athées eux-mêmes et que nous sachions nous remettre en question à chaque fois que nécessaire, c’est-à-dire à chaque fois qu’une vérité empirique viendrait contredire nos croyances. C’est une réalité, qui déjà à elle seule pourrait ébranler nombre de croyants : la vie spirituelle ne s’arrête pas aux enceintes sacrées des synagogues, églises ou mosquées. Quatre de ces athées, parmi les plus éminents, ont ainsi retenu mon attention, de par leur rigueur intellectuelle et leur indéniable côté didactique : Dawkins, Hitchens, Dennett et Harris. Ces auteurs athées du XXIè siècle annoncent clairement leur ambition, défendant l’idée que « la religion ne devrait pas être simplement tolérée, mais devrait être contrée, critiquée, et exposée à des arguments rationnels à chaque fois qu’elle apparaît » [5]. C’est aussi mon avis, convaincu que les religions et la vie n’ont jamais fait bon ménage.
Pour preuve, je voudrais, un instant, remonter avec vous aux racines du mal, à savoir l’ignorance et la peur de mourir qui auront rendu possibles toutes les dérives de l’Église catholique et conditionné les consciences. L’histoire nous montre, en effet, qu’il n’existe pas un Dieu monothéiste, mais des représentations qui n’ont cessé d’évoluer au fil du temps, et qui démontrent à elles seules combien il s’agit de simples constructions humaines, dépourvues dès lors de toute réalité tangible ou Vérité révélée. Cela n’aura pas empêché l’Eglise de développer une théologie particulièrement mortifère, bâtie sur le péché originel et la rédemption par le Sacrifice du Christ sur la croix. Et cela aura creusé un fossé entre les croyants qui prétendent rester fidèles à la Tradition – envers et contre tous -, et ceux qui tentent de faire entrer un peu de modernité dans une Église en perte de vitesse.
Commençons donc par le début et souvenons-nous, un instant, que le pouvoir de l’Église est « devenu, au fil du temps, de plus en plus totalitaire et même tyrannique, spécialement à partir du Pape Grégoire VII qui en 1075 s’est autoproclamé maître absolu de l’Église et du monde. En radicalisant sa position, Innocent III (+1216) s’est présenté non seulement comme le successeur de Pierre, mais comme le représentant du Christ. Son successeur, Innocent IV (+ 1254), a signé la dernière étape en se disant représentant de Dieu et donc Seigneur universel de la Terre, pouvant distribuer des parties de celle-ci à qui il voulait, comme l’ont fait plus tard les rois d’Espagne et du Portugal au XVIe siècle. Il ne restait plus qu’à proclamer le pape infaillible, ce qui s’est passé sous Pie IX en 1870. La boucle était bouclée » (Léonardo Boff) [6].
Léonardo Boff, parmi d’autres, relevait encore, dans son livre Église : charisme et pouvoir que « l’Église en tant qu’institution n’était pas dans la pensée du Jésus Historique, mais a surgi comme évolution postérieure à la résurrection, spécialement par le processus progressif de déseschatologisation ». Par conséquent, la hiérarchie est pour lui « un résultat » de « l’absolue nécessité de devoir s’institutionnaliser », « une mondanisation » dans le « style romain et féodal ». De là dérive la nécessité d’un « changement permanent de l’Église »; aujourd’hui doit surgir une « Église nouvelle », qui sera « une nouvelle incarnation des institutions ecclésiales dans la société, dont le pouvoir sera une simple fonction de service ».
La réponse de l’Église ? Léonardo Boff fit l’objet, en date du 11 mars 1985, d’une notification de la Congrégation pour la doctrine de la foi, selon laquelle « les options de L. Boff sont tel qu’elles mettent en péril la saine doctrine de la foi que cette même Congrégation a le devoir de promouvoir et de protéger » [7].
Ainsi, l’Église se prend pour l’incarnation du Christ sur terre et, dès lors, pour seule interprète autorisée de la « Parole de Dieu ». Il est vrai que, sans l’invention du péché originel et de son « petit frère » l’enfer, tout le système de soumission mis en place par la Doctrine ecclésiale s’effondrerait. Combien de générations de croyants l’Eglise n’aura-t-elle pas terrorisées au nom de – l’Amour de – Dieu ?
Or, une fois encore, force est de constater que nous savons désormais que la Bible n’est nullement une Parole qui aurait été révélée par Dieu lui-même. Au demeurant, cette même Parole n’a cessé de faire l’objet d’interprétations évolutives – pour ne pas dire divergentes – au fil des siècles, passant peu à peu d’une interprétation littérale à une interprétation mytho-logique [8].
Dans son Traité Théologico-politique, Spinoza osait déjà affirmer sans détour : « On ne cesse de répéter que l’Écriture sainte est la parole de Dieu, et qu’elle enseigne la véritable béatitude et la voie du salut ; mais au fond on est très éloigné de penser sérieusement de la sorte, et il n’est rien à quoi songe moins le vulgaire qu’à conformer sa vie aux enseignements de la sainte Écriture. Ce qu’on nous présente comme la parole de Dieu, ce sont le plus souvent d’absurdes chimères, et sous le faux prétexte d’un zèle religieux on ne veut qu’imposer à autrui ses propres sentiments. Oui, je le répète, ça été de tout temps le grand objet des théologiens d’extorquer aux livres saints la confirmation de leurs rêveries et de leurs systèmes, afin de les couvrir de l’autorité de Dieu. Pénétrer la pensée de l’Écriture, c’est-à-dire du Saint-Esprit, il n’y a rien là qui excite en eux le moindre scrupule ou qui puisse arrêter leur témérité. S’ils ont une crainte, ce n’est point d’imputer quelque erreur au Saint-Esprit et de s’écarter de la voie du salut ; c’est uniquement d’être convaincus d’erreur par leurs rivaux, et de voir ainsi l’autorité de leur parole affaiblie et méprisée. » [9]
Aucune religion n’est disposée à se séparer du Livre qui la fonde. Ce serait perdre le pouvoir sur les croyants. Un croyant libre est un croyant insoumis… Et je ne peux m’empêcher de penser que si Dieu avait voulu brouiller l’esprit des hommes avec une multitude de textes sacrés interprétables à l’infini – histoire de se rendre, au fond, inconnaissable… – il ne s’y serait pas pris autrement.
André Nadaud pointe avec justesse l’invraisemblance des religions : « Quatre éléments sont indispensables pour que la croyance religieuse prenne corps : un principe divin posé en postulat avec son cortège de fictions plus ou moins abouties formant corpus, un clergé qui veille et s’entend à rendre crédible le fatras ainsi constitué, des rituels qui en sont le petit théâtre et enfin et surtout l’impérieux besoin de croire de l’être humain. » [10]
Il échet bel et bien de constater que le Dieu théiste, défini comme « un être animé d’une puissance surnaturelle, demeurant à l’extérieur du monde et y intervenant périodiquement pour accomplir sa divine volonté » est mourant ou même déjà mort (John Spong).
Ce serait un abus de langage – et, en l’espèce, un abus de pouvoir – que de diviser encore le monde en deux domaines : le sacré et le profane, le ciel et la terre, l’invisible et le visible, le spirituel et le matériel, le surnaturel et le naturel.
Il incombe donc à chacun de relativiser ses prétendues vérités, voire de les abandonner…
ALORS QUEL DIEU ? ET QUEL AVENIR POUR L’ÉGLISE ?
Je suspecte les religions de préférer le culte du secret à la vérité. Elles préfèrent, en effet, garder le fidèle dans l’ignorance de ce qu’elles savent parfaitement : ainsi, l’Église a perdu de sa crédibilité à force d’enseigner des « vérités » qui se sont révélées fausses grâce aux connaissances humaines. Aussi, si l’Église désire réellement redevenir crédible, elle devra d’abord passer par l’aveu de ses innombrables erreurs. Il va de soi que cela vaut également pour les autres croyances religieuses. Cela étant dit, je crains que ce ne soit pure utopie et qu’il soit donc préférable de ne pas chercher à vouloir réformer l’irréformable. En effet, aucune religion n’est disposée à laisser penser librement le croyant et l’individu évolue toujours plus rapidement que le « groupe ». En effet, comment attendre d’elles la remise en cause d’une doxa qui s’est construite depuis des siècles et qu’il s’agirait désormais d’abandonner ? Ce serait à l’évidence la fin d’un système religieux avec ses dogmes et ses croyances. Il s’agirait, ni plus ni moins, d’un changement de paradigme : non pas une évolution des croyances, mais la fin de toute croyance ; le passage de la religion de « masse » à la spiritualité « individuelle ». A quoi, dans pareil contexte, servirait encore la religion et ceux qui l’enseignent ? L’individu, qui s’est libéré de la tutelle religieuse, n’a-t-il pas déjà appris à penser et à vivre par lui-même ?
Ainsi, au fond, une fois le corpus dogmatique écarté, à quelle expérience le mot « Dieu » renvoie-t-il ? Telle est la question fondamentale que devrait se poser tout esprit rationnel. Et, sur ce terrain-là, je crois de loin préférable de dire « Je ne sais pas » que de faire parler « Dieu », encore et encore. Oui, histoire de ne plus se faire encore illusion, je crois de loin préférable de ne rien croire qui n’ait d’abord été charnellement vécu.
C’est un fait : le dieu justicier, anthropomorphique et théiste est mort, en manière telle que ni la femme ni l’homme n’ont encore des comptes à lui rendre. Cela signifie, en clair, que l’Église perd enfin tout pouvoir sur les « âmes ».
Et alors même que je pensais devoir me frayer de nouveaux chemins, quelle n’a pas été ma surprise de voir que la sagesse ancienne avait déjà parfaitement démontré le mensonge des religions. Ainsi de Voltaire, de Lucrèce, d’Épicure, de Nietzsche, de Spinoza, de Platon ou encore de Krishnamurti : un chemin areligieux, profondément humain, terre à terre…
Dans son Éloge d’Épicure, Lucrèce n’écrivait-il pas déjà :
La vie humaine, spectacle répugnant, gisait
sur la terre écrasée sous le poids de la religion,
dont la tête surgie des régions célestes
menaçait les mortels de son regard hideux,
quand pour la première fois un homme, un Grec
osa la regarder en face, l’affronter enfin.
Le prestige des dieux ni la foudre ne l’arrêtèrent,
non plus que le ciel de son grondement menaçant,
mais son ardeur fut stimulée au point qu’il désira
forcer le premier les verrous de la nature.
Donc, la vigueur de son esprit triompha, et dehors
s’élança, bien loin des remparts enflammés du monde.
Il parcourut par la pensée l’univers infini.
Vainqueur, il revient nous dire ce qui peut naître
ou non, pourquoi enfin est assigné à chaque chose
un pouvoir limité, une borne immuable.
Ainsi, la religion est soumise à son tour,
piétinée, victoire qui nous élève au ciel.
Ainsi, de tout temps, certains ont osé sortir de leur système religieux. Ainsi, pour les religions monothéistes, de Mordecai Kaplan, rabbin, qui osa affirmer que le Divin n’est pas personnel, et que les descriptions anthropomorphiques du Divin sont, au mieux, des métaphores imparfaites. Ainsi aussi d’Abdennour Bidar [11], musulman, qui invite chacun à dépasser sa propre religion pour parvenir enfin à une véritable fraternité universelle.
L’être humain, ainsi débarrassé des dieux et de la peur de l’enfer, peut alors commencer à vivre sa vie en toute liberté… Finalement, être une femme ou un homme accompli, n’est-ce pas « simplement » chercher à se connaître et à se transformer, pour s’aimer et pour aimer son prochain [12] ?
En réalité, dégagé d’un respect scrupuleux et souvent hypocrite d’une morale et d’une doctrine, il s’agit là du plus difficile, du plus exigeant, mais aussi du plus passionnant : une vie toujours à inventer, hors sentier battu… Une vie libre et aventureuse, une vie à humaniser, détachée du secours infantile de l’église et des prières adressées à ses Saints.
POUR (NE PAS) EN FINIR…
Je voudrais terminer ici par une note plus personnelle. Lorsque j’étais enfant, je croyais en Saint-Nicolas et au Père Fouettard. De la même manière, je croyais en Dieu et à l’Enfer. Mes parents m’avaient inculqué son existence. En grandissant, ils ont cru bon de me dire la vérité : « Saint-Nicolas et Père Fouettard n’ont jamais existé. » Ma déconvenue fut immense autant que mon chagrin. Mes rêves d’enfants s’envolaient. Par contre, ils ne crurent pas utile de remettre en cause le « Dieu catholique » qui leur avait été inculqué dans l’enfance. Il ne me vint donc pas à l’esprit que cet enseignement pouvait être aussi invraisemblable que l’histoire du Saint et de son acolyte. Alors que la raison l’avait emporté d’un côté, la croyance en un Mystère enseigné par l’Église n’avait pu être remise en cause. Ce n’est que peu à peu, et avec crainte, que j’ai appris à penser par moi-même et, finalement, à faire miennes ces paroles déjà écrites en 1 Corinthiens 13 : 11 : « Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant. » Ainsi, les religions, je n’entends pas les critiquer de l’extérieur. Je fus un de leur plus fervent défenseur. J’en connais la rhétorique dans les moindres recoins. Je sais parfaitement ce qu’elles exigent d’un croyant fidèle. Elles sont un monde mental construit sur un idéal imaginaire, qui se défie du réel comme de la peste. Elles n’ont à la bouche que sacrifice, soumission et damnation. Elles n’aiment pas l’homme, la femme moins encore. Elles ne cherchent qu’à dompter leur pensée et leur agir, du berceau à la tombe. « La vie est mauvaise à sa racine, disent-elles, et nous vous offrons le Salut en échange de votre vie ici-bas. » Aussi, je voulais retracer avec vous, brièvement, ou du moins pointer l’histoire de leurs obscurantismes sans fin. Pour moi, c’est devenu une évidence : les religions doivent mourir afin que l’humanité vive enfin libérée de leur tutelle.
Au fond, je n’ai découvert peu à peu qu’une seule vérité, ô combien libératrice : aucune vérité ne s’impose de l’extérieur, elle monte des profondeurs de l’être, à un rythme lent, à mesure que tombent nos entraves et que de nouvelles lumières surgissent alors. C’est à cette réalité toute charnelle que l’on voit combien les religions se trompent – et nous trompent – lorsqu’elles veulent imposer des vérités extérieures à tout être humain, qui n’engendrent alors que la peur et non une adhésion pleine et entière du cœur…
Permettez-moi de vous partager cette prière toute fraternelle qui, celle-là, ne s’adresse pas au Ciel mais à l’intime de chacun :
« Quand le silence et la paix s’établissent en moi, que je me trouve au plus loin de ma solitude, je sens que je suis centré et comme ancré dans l’essence de la vie. En de tels instants, le meilleur m’est donné, et au plus intime, je ne suis plus que jouissance, ravissement.
En songeant à ces instants, il m’apparaît que s’il existe un sacré, il ne peut être que celui-ci. Il réside en notre for intérieur, là où nous œuvrons à nous connaître, là où nous aspirons à vivre le beau, le bien, l’illimité (tout cela n’est qu’un seul processus). Le sacré qui était auparavant défini par l’Eglise et la religion n’a plus d’existence. Celui qui le remplace se confond avec le plus fondamental de nous-mêmes, ce que nous avons de plus précieux, ce que nous devons vivre avec un maximum d’attention et de conscience. Toutefois c’est malheureusement ce que nous méconnaissons, tant le visible nous requiert, nous détourne de cet invisible qu’il est si facile d’oublier.
Il nous faut maintenir l’équilibre entre ces deux mondes qui rentrent souvent en conflit et font de nous des êtres déchirés par d’insolubles contradictions. » (Charles Juliet)
Pascal HUBERT, Pour un nouveau Credo, Golias Magazine, n° 175
(Pour télécharger l’article : GoliasMagazine175pAGES58-67)
NOTES :
[1] Marcel Neusch, « Il y a un siècle, la crise moderniste », http://www.la-croix.com/Archives/2007-12-29/Il-y-a-un-siecle-la-crise-moderniste.-_NP_-2007-12-29-309299
[2] Marcel Légaut, Un homme de foi et son Église, D.D.B., pp. 162 et 163.
[3] Marcel Légaut, Patience et passion d’un croyant, Cerf, p. 21.
[4] Et Jean-François Kahn affirmera, plus largement : « En fait, toute religion est une secte qui a réussi. On donne d’ailleurs le nom de secte à toute église non officielle qui concurrence les églises officielles. »
[5] Simon Hooper, « The rise of the New Atheists » [archive], CNN. Pour visionner les discussions réellement passionnantes entre Dawkins, Hitchens, Dennett et Harris : https://www.youtube.com/watch?v=kjafIsgVUTQ (Partie 1/2) et https://www.youtube.com/watch?v=fl0ifmpO_yE (Partie 2/2) ; Un mauvais quart d’heure pour la religion, avec Richard Dawkins : https://www.youtube.com/watch?v=Mbxpk_RO7go&t=30s; Film hommage à Christopher Hitchens, https://www.youtube.com/watch?v=P278-LypzGs; Christopher Hitchens expose ses arguments contre la religion, https://www.youtube.com/watch?v=AmZBU4Rv–g; Religion /Atheisme – Sam Harris, https://www.youtube.com/watch?v=gc-s0F1erME; Sam Harris, « Le coran est un livre profondément médiocre », https://www.youtube.com/watch?v=K8MIihHxDfc; Sam Harris, « Morale du Dieu chrétien », https://www.youtube.com/watch?v=YCizGgaRs6k
[6] http://www.culture-et-foi.com/critique/leonardo_boff_eglise1.htm
[7] http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19850311_notif-boff_fr.html
[8] Voy. notamment : Rudolf Bultmann. – Jésus. Mythologie et démythologisation, traduit par Florence Frf.yss, Samuel Dtuand-Gasselin et Christian P.vyot, Seuil ; André Malet. – Bultmann et la mort de Dieu, présentation, choix de textes, biographie, bibliographie, Seghers ; voy. également : Moltmann, Bonhoeffer, Drewermann, Küng, Spong, ou encore Fox qui, se fondant sur l’étude des genres littéraires, « démythologisent » les récits bibliques, afin d’obtenir la réalité historique.
[9] http://www.spinozaetnous.org/telechargement/TTP.pdf
[10] http://www.libre-penseur-adlpf.com/2015/09/dieu-est-une-fiction.html; André Nadaud, Dieu est une fiction, Serge Safran, 2014.
[11] http://abdennourbidar.fr/; Abdennour Biard, «Lettre ouverte au monde musulman », http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Lettre_ouverte_au_monde_musulman-450-1-1-0-1.html
[12] Pour une réflexion autour de « Après la religion, quoi ? », de Don Cupitt, http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc278.htm
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