L’AUTRE CHEMIN

Il y eut d'abord Pour un nouveau Credo
Ensuite, Église et sexualité ou le mythe de la pureté
Voici L'autre chemin, dernière partie du triptyque.

L’AUTRE CHEMIN

 

« Un jour, alors qu’on avait plus espoir de la trouver, la source est là, au bout du sentier. La voix parle clair. La semi-obscurité a fait place au jour. L’être sait de toute certitude qu’il a vaincu la peur. Qu’il n’a plus à chercher. Qu’à l’avenir, il lui faudra simplement se montrer vigilant, demeurer lucide, ne plus s’écarter de ce point d’eau dont il reçoit la vie. Pourtant, contre toute attente, trahissant le meilleur, oubliant sa soif, il ne pourra éviter de s’éloigner, s’égarer, perdre de vue ce qu’à l’intime de lui-même il nomme la merveille. »

                                                                                              Charles Juliet, Accueils

 

 

Avant-propos

Demeure en moi une question lancinante que je ne peux éluder. Je vois bien que les religions sont contraintes de se réformer pour rester crédibles. Et c’est ce qu’elles font toutes, bon gré mal gré, et bien trop lentement. Je vois bien que ce mouvement n’aura pas de fin et que ce qui était encore vrai hier ne le sera plus demain. Alors, voilà ma question : que restera-t-il des religions, et du christianisme en particulier, d’ici quelques décennies ou disons quelques siècles ? Autrement dit, érosion après érosion, restera-t-il un socle indestructible – un « noyau dur » – qui serait commun, dès lors, aux trois religions du Livre et, plus largement encore, à notre humanité commune ?

Que restera-t-il de nos croyances millénaires ?

Dans toutes les religions, je vois d’irréductibles Gaulois qui prétendent encore détenir à eux seuls la Vérité. À ceux-là je dis : laquelle au juste, celle des origines, celle réformée, celle de demain, celle de votre voisin, la vôtre ?  Soyons raisonnable – lucides et humbles –, les croyances ont dû s’éroder au fil des connaissances, preuve s’il en est que croyance et raison n’ont jamais fait bon ménage et que quitter le terrain de l’expérience humaine nous ramène invariablement à celui de la superstition religieuse. Aujourd’hui​, nous savons que la terre n’est pas le centre de l’Univers, pas davantage que l’être humain – grâce à nos connaissances empiriques, jamais du fait des dogmes. Nous ne pouvons plus concevoir une histoire du salut tirée du mythe d’un premier couple déchu. La mort nous précède et ce sont bel et bien tous nos repères habituels qui s’effondrent (ou devraient l’être). Bref, nous (les hommes…) avions donc bel et bien inventé les dieux et leurs Livres. Les croyants s’étaient donc bel et bien soumis à une autorité religieuse auto-proclamée. Aussi, je répète ma question : que restera-t-il de nos croyances ? Et sachant maintenant ce que nous savons, je précise encore : comment vais-je, moi, sans plus attendre, réagir devant des croyances en perpétuelle mutation ?

     Je reviens au christianisme que je connais mieux – mais les questions de fond se posent à l’identique pour chaque croyance. Il est admis que les textes sacrés sont, en partie, des mythes et qu’ils trouvent leur origine dans la culture patriarcale [1]. Si l’essence même des religions s’effondre, leur reste-t-il encore une part de crédibilité, et laquelle en ce cas ? C’est à chaque croyant de répondre, sur le fondement de ses propres réflexions critiques, sans plus attendre que sa religion se réforme encore. Ainsi, que voit-on ? Que Jésus fut considéré comme un Dieu et comme le Sauveur du monde, que chacun était sommé d’imiter. Qu’aujourd’hui, nombreuses sont les voix qui s’élèvent contre un Dieu juge et anthropomorphique auquel chacun devrait se soumettre. Ils voient désormais un homme exceptionnel, porteur d’un message d’amour mais tributaire – lui aussi, comme tout un chacun – de son temps, de sa culture et donc d’une vision de « Dieu » à repenser sans cesse (Jésus lui-même ne pensait-il pas que le Royaume adviendrait de son vivant… ?) Je veux bien – sachant que pareille remise en question est déjà immense, tant les résistances au changement de paradigme sont prégnantes –, mais, quitte à me répéter, allons-nous encore longtemps admettre ce qui demain sera enseigné différemment ? Plus fondamentalement, sur base de textes sans cesse réinterprétés, que puis-je réellement savoir de l’homme Jésus ? Quelle expérience en ai-je ? Et, davantage encore, quelle raison de calquer ma vie sur un homme, fut-il exceptionnel ? N’est-ce pas encore dépendre d’une personne à l’égard de laquelle je devrais me sentir coupable, à tout le moins redevable ? Mais de quoi encore, et pourquoi ? Et voilà que je retombe dans l’image d’un dieu justicier et, inévitablement, dans une représentation qui ne peut se prévaloir d’aucun fondement rationnel. Qu’il est loin le temps où la « foi » était censée être un mystère et qu’il s’agissait de croire​ en un « Dieu » sous peine de damnation éternelle, comme​ s’il était une évidence. Comme tout cela apparaît aujourd’hui puéril et mortifère. Comme il est dangereux de croire sur la « foi » d’autrui – ce qui m’apparaît comme tragique et, pour tout dire, insupportable c’est que l’image de Jésus aura été défigurée par des siècles d’obscurantismes religieux. D’une certaine façon, il sera mort deux fois : une première fois sur la croix et une seconde sous les gravats successifs de la froide doctrine ecclésiale. À chaque fois, par des religieux mâles pétris de pouvoir et de certitudes sentencieuses – je ne compte plus les morts et les vies détruites au nom de dieu…

     Lorsque je vois les croyants qui, tant bien que mal, tentent de se dépêtrer avec des certitudes apprises et sans cesse révisées, je m’étonne du silence de leur dieu. C’est tout de même vrai : il y aurait bien moins de guerres, d’anathèmes et de croyances innombrables en son nom, et ce depuis la nuit des temps, si « Dieu » daignait enfin se révéler ! Jean Meslier, prêtre et athée, né en 1664, résume parfaitement cette interrogation : « S’il y avait véritablement quelque divinité ou quelque être infiniment parfait, qui voulût se faire aimer, et se faire adorer des hommes, il serait de la raison et de la justice et même du devoir de ce prétendu être infiniment parfait, de se faire manifestement, ou du moins suffisamment connaître de tous ceux et celles dont il voudrait être aimé, adoré et servi [2]. » Bref, je vois bien que je tourne en rond et que la seule façon raisonnable de sortir de ce cercle vicieux, c’est de faire abandon de ce qui n’est jamais que croyances déraisonnables. Finalement, si je dois bien reconnaître un mystère, c’est celui de l’origine de la vie et de notre finitude. Et les religions ne me sont d’aucune aide pour expliquer le comment et le pourquoi. Il n’est donc plus raisonnable de leur abandonner l’irrationnel comme autant de vérités à croire. D’ailleurs, à y regarder de plus près, je l’ai dit, force est de constater que les religions s’étaient déjà montrées bien incapables de penser le monde visible autrement que sous le prisme dogmatique et sanglant de leurs textes sacrés (la crise moderniste qui a traversé l’Église est éloquente à cet égard)…

Des croyances multiples à notre humanité commune

     J’en viens donc à ce qui me semble (encore) croyable, à l’orée du XXIe siècle : l’histoire de l’humanité nous montre que c’est désormais le temps de dépasser nos croyances, de chercher ensemble ce point de convergence qui nous fonde et nous uni. À savoir : notre humanité commune. L’essentiel n’est donc plus de croire en un dieu ou en son prophète. Ce qui importe, c’est que chacun fasse retour sur soi, détrône ce qui tenait finalement d’une influence extérieure et non d’une expérience intime. Après avoir décapé mes croyances, remise en question après remise en question, je partage entièrement la vision areligieuse de Charles Juliet : « L’âme… je n’emploie jamais ce mot. Je lui ai substitué le spirituel. En dehors de toute croyance religieuse, ce mot désigne pour moi : – l’aventure de la connaissance de soi, – la mutation de la naissance à soi-même, – l’observance d’une éthique, – le besoin de s’élever, de faire grandir le meilleur de soi. »

     C’est qu’au fond il ne s’agit plus de sauver les dieux ou les Livres dits « sacrés », de chercher encore à les réintégrer « par la fenêtre », de leur faire encore allégeance. C’est bel et bien notre humanité commune qu’il s’agit de sauver. Il ne s’agit plus de préférer les dieux au détriment de notre commune humanité.

     En résumer : personne n’a jamais vu « Dieu ». Raison pour laquelle les dieux sont innombrables, à l’image de l’histoire des hommes, selon l’époque et le lieu de leur naissance. Les livres dits « sacrés » sont des constructions humaines et donc au contenu bien incertain. S’agissant des Évangiles, l’identité exacte de Jésus nous est inconnue, de même ce qu’il a réellement dit, fait et souhaité perpétuer après sa mort. Il n’est plus croyable de penser le monde et « Dieu » comme au temps de Jésus. Enfin, et d’abord, je n’ai pas à me conformer à une Vérité qui me viendrait de l’extérieur et que je ne pourrais jamais faire mienne dans les profondeurs de mon être. Personne n’a à me dicter ce qu’il me faudrait penser ou vivre. Toute vie ne peut, au contraire, grandir authentiquement que dans l’altérité où chacun est respecté entièrement dans son cheminement et à l’égal de l’autre. Pas de liberté, de respect, d’égalité dans la soumission à autrui, fut-il « Dieu ». Il est donc nécessaire de se débarrasser de toute représentation de l’au-delà et de ne considérer que notre expérience ici-bas.

     Notez : c’est bel et bien la seule façon d’être pleinement accordé à soi et à l’autre, de vivre authentiquement sa condition humaine et de vivre authentiquement ensemble, c’est-à-dire véritablement pacifiés.

     Ainsi, ma décrue me conduit​ inévitablement à poser cette autre question redoutable : existe-t-il une « Vérité » partageable par tout le genre humain ? Pour la découvrir, en vérité, il faut donc partir de l’être humain lui-même. Il est ainsi nécessaire de se vider de toutes nos représentations religieuses de l’au-delà et de se tourner vers soi. Cela revient à se connaître et à se transformer, à passer des « vérités relatives des religions » à un « profane universel ». Au fond, cela revient à se faire confiance et à marcher sur son chemin. Et cette vérité, précisément, n’a pas attendu les religions et leurs nécessaires réformes. Elle traverse, au contraire, toutes les époques et tous les lieux. C’est une réalité que je qualifierais de « spirituelle », c’est-à-dire d’authentiquement humaine. La réponse à la question n’est donc pas dans les livres écrits par d’autres, elle est en chacun : je ne découvre la réponse qu’au fur et à mesure du chemin parcouru. Peut-être est-ce le chemin qu’a parcouru Jésus ? Peut-être a-t-il dû vivre son humanité sans savoir où elle menait ? Peut-être a-t-il dû revoir sa vision de « Dieu » ? Au fond, je n’en sais rien (sa personne reste « incertaine »), mais cela n’a plus d’importance. C’est à moi, et à moi seul, de parcourir le chemin vers mon humanité et de découvrir à l’intime de moi ce qu’il me révélera à mesure de la marche. Non, je ne peux dire d’avance où mènera le voyage. C’est une aventure parsemée de doutes, à l’issue nécessairement incertaine. En réalité, il n’est pas de réponse, de certitude, seulement une aventure intérieure. Aussi, il est seulement possible d’indiquer le sens de la marche, les « grandes lignes » sur la carte de l’existence, les écueils à éviter et les impasses.

    Tous ceux qui ont vécu cette quête intérieure peuvent m’inspirer, me montrer le chemin, mais ils ne doivent en aucun cas être imités – me limiter. Le chemin de chacun est singulier, unique, partiel et partial, ancré en un temps et en un lieu desquels toute influence extérieure n’a pu entièrement disparaître. C’est bel et bien la fidélité à soi qui doit être notre boussole intérieure, l’objet même de notre quête.

     Au fond, c’est là, et nulle part ailleurs que se retrouvent invariablement tous ceux qui ont cherchés à naître à eux-mêmes. Autour d’un « noyau dur », areligieux : cette humanitude commune qu’ont cherché à vivre intensément, au fil des siècles, tant d’écrivains, de poètes ou de mystiques. Parmi d’autres : Maître Eckhart, Friedrich Nietzsche, Hadewijch d’Anvers, François d’Assise, Thérèse d’Avila, Rûmî (issu du soufisme), Lin-Tsi (maître du bouddhisme zen du IXe siècle), Lao-Tseu, Zhu-angzi, philosophe taoïste (IVe siècle avant notre ère), Mâ Ananda Moyî, Sanâ’î ou encore Krishnamurti… Plus proches de notre sensibilité peut-être, citons encore : Jean Sulivan, Marcel Légaut, Jean Grosjean, Friedrich Hölderlin, Alberto Giacometti, Christiane Singer, Samuel Beckett, Lydie Dattas, Etty Hillesum, Christian Bobin, Maurice Bellet, Fabienne Verdier, Lytta Basset, Kamel Daoud ou encore Abdennour Bidar.

     Ainsi, Jean Sulivan ne se voyait-il pas comme un « libre penseur chrétien », Gérard Bessière comme un « agnostique qui attend » ? Dans le sillage d’un Grégoire de Nysse : « Dieu au-delà de Dieu » ou d’un Maître Eckart : « Je prie Dieu qu’il me déprenne de Dieu ». De son côté, Maurice Bellet affirmera : « L’homme religieux peut dire : Dieu est silence ; le sage peut dire : le Sans nom est au-delà de tout. Ici, que peut dire l’être humain ? Rien ». De même, Marcel Légaut : « Mais dans l’ordre du spirituel, tout sans cesse doit être remis en chantier, car tout sans cesse, par pente naturelle, retombe et dégénère. L’entropie ne règne pas seulement dans le monde de la matière et de la vie ». Et Krisnamurthi affirmait déjà que « Un esprit religieux est un esprit qui est totalement libre de tout attachement, de toute conclusion et de tout concept, il ne s’intéresse qu’à ce qui a vraiment lieu et pas à ce qui devrait être ». Sans oublier l’audacieux Spinoza : « La piété, la religion, sont devenues un amas d’absurdes mystères, et il se trouve que ceux qui méprisent le plus la raison, qui rejettent, qui repoussent l’entendement humain comme corrompu dans sa nature, sont justement, chose prodigieuse, ceux qu’on croit éclairés de la lumière divine. »

     Bref, comme l’affirmait déjà William Blake, il s’agit bel et bien de « nettoyer les portes de la perception ».

     Chemin de solitude, où les certitudes se perdent. Chemin d’intériorité conduisant peu à peu à la dénudation de l’être. En vérité, il n’en est pas d’autre plus pressant, plus urgent, plus nécessaire pour advenir à soi et rejoindre l’autre. Se libérer du connu pour marcher sur un chemin véritablement sans chemin. En d’autres termes, « Quand les mystiques disent Dieu c’est un mot très commode pour essayer de désigner une expérience au plus intime de l’être. Si Dieu est en nous, il ne faut pas supposer qu’il existe ailleurs. Tout le travail est à faire là : il faut revenir à soi et travailler sur soi-même ». Ainsi, « le sacré qui était auparavant défini par l’Église et la religion n’a plus d’existence. Celui qui le remplace se confond avec le plus fondamental de nous-même, ce que nous avons de plus précieux, ce que nous devons vivre avec un maximum d’attention et de conscience » (Charles Juliet).

Pour une spiritualité incarnée : déconstruire pour renaître

     Sur cette « ligne de crête » soyons concret. Je me souviens avoir entamé cette quête intérieure, pour m’extirper d’une enfance qui ne cessait de m’entraver, mais aussi d’une religion mortifère qui venait s’y greffer et aggravait mon tourment. Après d’interminables années d’errance, à l’aube de la cinquantaine seulement, je parvenais alors à résumer mon parcours par ces quelques mots :

     Longtemps, tu es resté empêtré dans une vie de ‘martyr’. Tu ne voulais pas lâcher l’ ‘oppresseur’ avant qu’il n’ait reconnu ses torts. Tu attendais que le monde autour de toi change. Tu te débattais avec ton passé, incapable de vivre le présent, d’envisager l’avenir. Tu refusais cette vie, tu en voulais une autre, plus belle, celle à laquelle tout enfant a droit. Plus le temps passait et plus la vie t’était insupportable. Le monde entier ne pouvait suffire à combler ton abîme. Un jour, n’en pouvant plus de ce mal-être grandissant, tu as compris que tu étais le seul à décider : renaître ou te laisser mourir. L’entame et la poursuite de cette mutation intérieure furent la plus rude épreuve de ton existence. Tu t’enfonçais seul dans des contrées inconnues, loin de tes semblables. Tu faisais abandon de ton savoir et détruisait un à un tous les murs que, pour ta survie, tu avais érigés contre les autres et contre toi. Il te fallut briser le silence qui tue et remonter les mots qui sauvent. Malgré la honte de l’aveu, il te fallut reconnaître que tu allais mal, plus mal que d’autres peut-être. Il te fallut regarder en face ce que tu avais toujours fui et que personne ne devait savoir. Il te fallut traverser la haine, la honte, la culpabilité, l’angoisse du vide, la peur de devenir fou comme ton père. Il te fallut inventer un présent à partir du néant. Et tu n’avais d’autre choix que de poursuivre ce que tu avais imprudemment entrepris. Pour toi et pour les tiens. Pour tenter de ne plus perpétuer l’héritage familial, pour renoncer au passé, pour ériger des lendemains meilleurs. Tu le savais confusément : tout retour en arrière t’était viscéralement interdit. Mais chaque victoire était par bonheur irréversible. Tu avais le sentiment angoissant de briser le silence pesant de ta mère, de trahir un honteux secret de famille. Peu à peu, tu découvris que ton aventure n’avait qu’un seul but : ressusciter l’enfant ‘mort’, rebâtir tes fondations. Et, à cette fin, exhumer le passé que tu n’avais cessé de refouler. C’était une question de vie ou de mort, un besoin vital. Mais, aujourd’hui, tu le sais d’expérience, aucun autre voyage, aucune croyance n’aurait permis de mieux te connaître et de regarder la vie avec des yeux radicalement neufs. Aucun voyage, aucune croyance ne t’auraient permis de remonter des enfers et de revenir au monde. Aujourd’hui, pour en avoir payé le prix fort, tu connais le prix inestimable de la vie. Désormais, les apparences ne comptent plus guère, tu vois et comprends la détresse cachée qui déchire tant de tes semblables, tu sais les mille et un détours de l’esprit pour ne pas voir ce que le corps sait infailliblement. Tu sais la quête – parce que singulière, mais universelle – qu’à leur tour il leur faudrait mener. Tu sais que tu es loin d’être seul à avoir connu l’enfer. Tu sais aussi que, jusqu’à ton dernier souffle, il te faudra encore lutter pour que la lumière pénètre davantage tes terres. Tu sais qu’il n’y a pas d’autre vie à attendre. Contre toute espérance, tu sais enfin que la vie peut être belle et désirable. Et tu voudrais que tes mots puissent rejoindre ceux qui se sont perdus en chemin. Tu voudrais leur dire qu’ils portent en eux leur propre rédemption. Qu’à leur tour, ils peuvent sortir de leur ‘détresse impensable’. Tu voudrais leur tendre la main.

     Au fond, de par notre expérience même, nous savons parfaitement que la vérité ne se trouve pas dans les dorures, les rites, les Sacrements ou les livres sacrés. Nous savons parfaitement que personne ne peut vivre notre vie et notre mort à notre place. Nous savons que la traversée d’une rive à l’autre nous incombe et qu’aucune prière ne nous dispensera jamais de vivre l’épreuve. Nous savons parfaitement que l’épreuve se vit au creux de notre chair, sans autre secours que notre courage, nos larmes, nos forces parfois défaillantes ainsi que le soutien de nos proches et amis. Nous savons parfaitement que les dieux ne sont jamais qu’une béquille lorsque la peur de vivre – jusqu’à la lie parfois – vient parfois nous submerger. Oui, nous savons que le « sacré » se vit au cœur de l’humain, intégralement. Jamais dans la tête, le savoir ou les dogmes. Et pourtant, force est de constater que le Sacré avec un grand « S »celui qui écrase, tel un Sacrifice exerce un immense pouvoir de soumission sur tant d’hommes et de femmes. Il gît dans notre inconscient, notre ignorance, notre besoin de sécurité. La peur de la mort. Si nous étions immortels, l’allégeance aux dieux ne se poserait plus. En réalité, il n’est pas d’amour de « Dieu » dans la sujétion. Voilà le terrible constat, de notre faiblesse. Mais, par amour de la vie – de cette vie qui est la seule que nous connaissions vraiment –, vivons désormais comme Job l’insoumis, comme les hérétiques, comme tous les dissidents depuis la nuit des temps : libres devant les dieux ! Soyons libres comme les dieux ! Soyons enfin nous-mêmes !

     Me reviennent en mémoire ces mots si justes de Thérèse d’Avila : « Je ne croirai rien que ce dont j’ai une très grande expérience. » Il n’est alors plus possible de s’illusionner, de faire fausse route, de se déprendre de soi-même au profit d’une Vérité désincarnée. Il n’est alors d’autre vérité à vivre que ce chemin sans chemin. Cet autre Chemin, de chair, dont nous parlent depuis toujours les poètes et les mystiques.

   Ainsi, il n’est plus de sacré séparé du profane. Tout est sacré, rien n’est profane (Teilhard de Chardin). Tout est sacrément humain. Il n’est plus besoin de le nommer, il est besoin de le vivre « d’instants en instants, sans intermédiaires religieux, dans tous les aspects de sa vie personnelle » (René Barbier). Le sacré est du côté du silence, comme le « mystique » de Ludwig Wittgenstein : « Tout ce qui peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. » Ce n’est plus la tête qui pense et affirme de manière péremptoire, c’est le cœur qui bat. Nous voilà unifié là où auparavant nous nous sentions inévitablement divisés entre ce qu’il fallait croire et ce que nous ressentions au plus profond de nous-même. Apprendre à naître « ici-bas », sans plus imaginer l’ « au-delà ». Au silence de Dieu doit correspondre le silence sur Dieu. À la peur de vivre doit correspondre l’audace d’user de nos talents. La vie spirituelle, en ce sens, est ce qui permet aux personnes « de devenir vraiment elles-mêmes » (Jean-Claude Breton). Ou, pour le dire à la manière de Paul Ricoeur : « Devront mourir les spiritualités d’évasion, les spiritualités dualistes. » Ainsi, la spiritualité – d’hier, d’aujourd’hui et de demain – n’est pas l’apanage des juifs, des chrétiens, des musulmans, ou de toute autre croyance mais de tous les humains, y compris les athées. Ainsi, la vie spirituelle n’est pas cantonnée à des moments précis de prière ou de retraite entre quatre murs. Elle est bel et bien une manière de vivre sa vie au quotidien.

     Richard Bergeron l’exprime magnifiquement : « La spiritualité, qui est mystique, tient les religions instituées en suspicion et s’accommode mal avec le dogmatisme et les magistères officiels de tout acabit qui prétendent posséder et dire aux hommes les mystères divins et les volontés d’en haut. La religion est souvent une défense contre l’expérience mystique. La foi et la soumission à une autorité magistrale qui présente un Dieu extérieur peut calmer la peur en offrant une sécurité illégitime assurée par le collectif. Toute spiritualité mystique se situe au niveau de l’expérience et non des croyances. Elle est, en son fond, non confessionnelle ou mieux, antérieure aux confessions religieuses et aux appartenances institutionnelles. Cette spiritualité de l’homme naturel, mondial et cosmique surmonte les confessions et les religions. […] Ce n’est pas en tant que chrétien, musulman ou hindou que l’homme emprunte le chemin spirituel mais en tant qu’être humain en devenir qui cherche la réalisation de soi et la divinisation – ce qui est la même chose. La spiritualité ne vise pas à faire de meilleurs chrétiens ou hindous, mais à faire des humains. Le terme du chemin, c’est la réalisation en soi de l’humain intégral ; et puisque l’humain n’est jamais accompli en soi, ce chemin, à vrai dire, n’a pas de fin. [3] »

    Il s’agit bien de spiritualiser sa vie, de « renaître », de s’humaniser. Cela rejoint la dimension profonde de l’être humain, de tout être humain, quel que soit le lieu ou l’époque de sa naissance. Alors, toute représentation d’un « Dieu transcendant » s’estompe peu à peu et le langage religieux tombe en miettes. Oui, il s’agit bel et bien de penser et de vivre par soi-même, librement, sans savoir ce que demain sera. Cet « après » qui reste un mystère, définitivement inaccessible.

     Au fond, peut-être suffit-il de constater, avec Jacques Musset, que « le mot Dieu n’a pas toujours existé ; c’est une création de l’homme. Il a émergé très progressivement à la conscience des humains pour désigner, dans leur quête de sens, la cause de phénomènes qui leur échappaient : la foudre, la sécheresse, la pluie, les inondations, les épidémies, les infirmités, la souffrance, la gestation des animaux et des humains, etc… Dieu ou les dieux étaient, croyait-on, à l’origine de ces réalités sur lesquelles on n’avait pas prise. On y voyait une récompense ou une punition. Peu à peu, avec les progrès des sciences, de la réflexion philosophique et de l’affinement du sens religieux, certaines représentations de Dieu sont devenues caduques. Beaucoup de choses dans le monde et le fonctionnement humain se sont ainsi expliquées sans qu’on ait recours à une cause divine extérieure. Les conceptions de Dieu se sont petit à petit décantées, purifiées, approfondies, spiritualisées, intériorisées. Mais le langage officiel de l’Église reste empêtré dans des représentations d’antan. [4] »

     À bien y réfléchir, je tiens la réponse à ma question première. Il s’agit, en effet, de « sortir de la religion » (Marcel Gauchet), de changer de paradigme : ce point est capital, révolutionnaire. Il s’agit d’une profonde mutation, non d’un simple aggiornamento. Il ne s’agit plus d’apprendre la « véritable foi en Dieu », il s’agit de se nourrir intérieurement de ce qui monte véritablement en soi.

     Jean Sulivan le dira joliment : « Au fond, il n’y a que les questions éternelles qui m’intéressent, mais j’ai commencé à vivre dans l’illusion comme la plupart des chrétiens. Un jour je me suis aperçu que les questions éternelles se jouaient au niveau de la terre, dans l’expérience humaine, dans la chair et le souffle. Pour moi, tout a changé. »

     Aussi, finirons-nous par entendre enfin ces poètes et ces mystiques de la vraie vie ? Finirons-nous par leur emboîter le pas et quitter nos pseudos certitudes ? C’est qu’en chacun gît cette exigence d’authenticité, ne cesse de sourdre cette voix singulière.

Quelle est cette voix singulière ?

     Je pensais en rester là. Mais, je dois pousser ma réflexion un pas plus loin. Par souci d’honnêteté avec un questionnement qui – je le sens bien – demeure et me taraude. Je reste insatisfait. Je m’explique : sortir de la religion, certes. Mais il n’en reste pas moins vrai que les mystiques eux-mêmes sont restés influencés par leur culture et la religion de leur époque. Ils ont conservé au fond d’eux une certaine image de « Dieu ». Ainsi, par exemple, d’Augustin, qui tout en parlant de Dieu comme une personne vivant à l’intime de nous-mêmes, n’en construit pas moins le mythe du « péché originel » qui perpétuera l’image déplorable d’un « Dieu » juge et mortifère. (sans même parler de la femme). En d’autres termes, quelle est cette « voix intime » dont je viens de parler ?

     Ainsi, on le voit, le chemin emprunté n’est pas sans danger, tant les repères longtemps tenus pour certains s’effritent les uns après les autres ; en effet, une fois amorcée la remise en question, elle n’a plus de fin ; l’histoire le démontre. Ainsi, pour un chrétien qui a accepté de décaper sa foi au creuset de la raison – et donc de sa seule expérience –, quel lien conserver encore avec Jésus ? Et pourquoi ? Est-il encore source de promesse, de salut ? Laquelle, en ce cas ? Et puis, surtout, ne remplace-t-on pas une représentation de « Dieu » par une représentation de « Jésus » ? De fait, en finale, ne sommes-nous pas restés en dehors du champ de l’expérience ? Et, partant, dans celui d’une construction imaginaire ? Certes, toujours davantage érodée, mais toujours dans un même champ de la pensée. Par honnêteté, je pense qu’il faut admettre l’inconfort de la remise en question – cette quête intérieure – sans savoir où elle nous mène. Il devient alors nécessaire d’abandonner toute représentation, toujours erronée par nature.

  Jacques Musset, une fois encore, me semble avoir parfaitement résumé cette interrogation que je tente ici de cerner au plus près. Ainsi, lorsqu’il affirme : « Mais, ce sentiment de dépassement, cette conscience d’être, à certains moments, en situation de justesse intime avec soi-même, avec le monde et avec autrui, situation vécue dans une grande joie intérieure et une impression de plénitude, ne serait-il pas seulement la révélation de ce dont l’homme est capable et l’invitation pressante à marcher sur cette voie pour s’accomplir réellement ? Qu’est-ce qui autorise à postuler une Source indépendante de soi, bien qu’intimement liée à soi, pour rendre compte du sentiment de dépassement, de ‘‘transcendance’’, de plénitude, expérimenté aux heures de vérité de son existence si pleinement humaines ? Cette capacité qu’a l’homme de vivre à ce niveau éminent de profondeur, d’authenticité, d’ouverture à autrui, de don de lui-même, ne s’explique-t-elle pas par ses propres ressources, ressources cachées et si souvent méconnues auxquelles il a peine à croire tant elles sont peu exploitées ?

Trois positions sont possibles

La réponse à donner dans un sens ou l’autre ne peut être évidente. La perception de l’insondable au plus intime de chacun à certaines heures de son cheminement le laisse ouvert sur un mystère qu’il n’est pas facile d’identifier. Trois positions sont possibles. Une première est de conclure par la négation de Dieu : dans l’expérience de dépassement vécue par l’homme, il n’est que de l’humain et rien d’autre. Une seconde position est d’affirmer, comme Marcel Légaut le fait, qu’au cœur même de cette même expérience peuvent se percevoir les traces d’une action qui n’est pas que de l’homme et qu’on peut référer à Dieu « sans nullement se donner de Dieu – et même en s’y refusant – une représentation bien définie comme celles dont par le passé les hommes ont usé si spontanément et si puérilement ». Ces deux manières de se situer sont des actes de foi, car l’une et l’autre ne sont pas démontrables par des arguments qui emportent d’emblée l’assentiment. Il y a de la part de qui professe pareilles assertions un engagement de leurs personnes, ce qui ne signifie pas que cet engagement se pratique d’une manière aveugle. Chacun a des raisons qui lui sont propres de pencher d’un côté plutôt que de l’autre. Mais dans les deux cas, les démarches ne sont sérieuses et dignes de considération que si leurs auteurs s’impliquent dans l’approfondissement de leur propre humanité. Sinon, elles ne seraient que formelles ou purement cérébrales. La troisième position possible est l’agnosticisme qui n’affirme ni ne refuse l’existence d’une action de Dieu au cœur de l’homme. Elle est aussi respectable que les deux autres si elle se situe dans une conduite questionnante au cœur d’un souci de vivre vrai et de penser juste, sinon elle n’est qu’une façon commode d’éluder l’interrogation. [5] »

     Voilà le terme – provisoire – de notre interrogation qui se veut lucide jusqu’au bout. Un terme qui me laisse sans réponse, face au « mystère » de cette vie sur terre. Disant cela, je n’entends fermer aucune porte, seulement cheminer coûte que coûte avec rigueur et lucidité. Tout en étant conscient que je n’ai pas même abordé la question de l’ « après vie »… Mais, comment le pourrait-on, en vérité, avec en finale aussi peu de certitudes ?

     Comme le souligne Krishnamurti [6], il est tellement aisé – sécurisant – de se faire illusion : « Ce que nous appelons Dieu, n’est-ce pas une création de l’esprit ? Vous savez ce qu’est la pensée : c’est un produit du temps, et elle peut créer n’importe quelle illusion. Elle a le pouvoir de créer des idées, de se projeter dans toutes sortes de fantasmes et d’imaginations ; elle accumule, élimine et choisit sans cesse. Etant limitée, étroite, partiale, votre faculté de penser peut se faire une image de Dieu, elle peut l’imaginer selon ses propres limitations et ses préjugés. Parce que certains guides spirituels, prêtres ou soi-disant sauveurs ont dit que Dieu existe et l’ont décrit, la pensée peut se le figurer dans ces termes, mais cette image n’est pas Dieu. Dieu ne peut pas être découvert par la pensée. Pour comprendre Dieu, vous devez d’abord comprendre votre faculté de penser, et c’est très difficile, car notre esprit est très complexe. Il est plus facile de se laisser aller à des rêves, à l’illusion de croire que l’on se rapproche de Dieu. L’esprit peut se créer lui-même de formidables illusions. Pour faire véritablement l’expérience de ce qu’on pourrait appeler Dieu, il faut que l’esprit soit complètement silencieux, et n’avez-vous pas constaté combien c’est difficile ? »

Pour conclure : la vie est une aventure spirituelle

     Comme l’affirmait encore Jean Meslier : « Pesez bien les raisons qu’il y a de croire ou de ne pas croire, ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige si absolument de croire. Je m’assure que si vous suivez bien les lumières naturelles de votre esprit, vous verrez au moins aussi bien, et aussi certainement que moi, que toutes les religions du monde ne sont que des inventions humaines, et que tout ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige de croire, comme surnaturel et divin, n’est dans le fond qu’erreur, que mensonge, qu’illusion et imposture. »

     Mais quel bonheur d’être enfin en accord avec soi, non plus tiraillé entre son être profond et ce qu’il faudrait encore croire… Eh oui, tout ce chemin parcouru, siècle après siècle, de désobcurantisme en désobscutantisme, de découverte scientifique en découverte scientifique, de remise en question en remise en question, pour en arriver enfin là : la fidélité à ce qui monte en soi, en lieu et place des fallacieuses croyances religieuses tombées du Ciel. Cela en dit long sur notre sujétion millénaire à l’autorité religieuse, par ignorance et par peur.

     Pour l’heure, il nous importe de savoir que cette « motion intérieure », « voix intime » ou « lumière naturelle »qui cherche à tirer le meilleur de nous-même est belle et bien une réalité spirituelle, tirée du silence (réalité que je me garderai donc de définir plus avant…) Et, par essence, on l’aura perçu, cette réalité universelle, proprement humaine, transcende toutes les croyances religieuses. Et telle semble bien être la seule réalité dont nous soyons certain et que nous sommes tous appelés à vivre dès « ici-bas », toujours plus amplement.

    Mais, une fois encore, quel long chemin pour revenir enfin à soi : « Vivre une aventure spirituelle, c’est effectivement ce long périple qui mène du moi au soi, de l’ignorance à la connaissance, de l’égocentrisme à l’amour. » (Charles Juliet)

Pascal HUBERT, L’autre chemin, Golias Magazine, n° 176

(Pour télécharger l’article : GoliasMagazineChronique)

 

Jiddu Krishnamurti – Qu’est-ce que l’esprit religieux ?

Krishnamurti – Sa Déclaration d’Indépendance (dissolution de l’Ordre de l’Étoile)

 

Déclaration de dissolution

L’Ordre de l’Étoile fut fondé en 1911 pour préparer la venue de l’Instructeur du Monde et Krishnamurti fut nommé à sa tête. Le 3 août 1929, lors de l’ouverture du Camp annuel d’Ommen, en Hollande, Krishnamurti prononça la dissolution de l’Ordre devant ses 3000 membres. Voici le texte intégral du discours :

Ce matin,nous allons débattre de la dissolution de l’Ordre de l’Étoile. Beaucoup en seront ravis, et d’autres en seront plutôt attristés. Cela ne doit pas être un sujet de joie ni de tristesse, puisque c’est inévitable et je vais vous l’expliquer . Vous vous souvenez peut-être de l’histoire du diable qui descendait une rue en compagnie d’un ami. Ils voient devant eux un homme se baisser, ramasser quelque chose, le regarder et le mettre dans sa poche. L’ami dit au diable : ‘Qu’a-t-il bien pu trouver ?’. ‘Un bout de vérité’ dit le diable. ‘Très mauvais pour vous, cela’ remarque l’ami.
‘Pas du tout’ réplique le diable, ‘je vais faire en sorte qu’il l’institutionalise’.

J’affirme que la Vérité est un pays sans chemin, et qu’aucune route, aucune religion, aucune secte ne permet de l’atteindre. Tel est mon point de vue, je le maintiens de façon absolue et inconditionnelle. La Vérité étant sans limites, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée; on ne devrait pas non plus créer d’organisation pour conduire, pousser les gens sur une certaine voie. Dès que vous avez saisi cela, vous réalisez à quel point il est impossible d’organiser une croyance. La croyance est une affaire purement individuelle, on ne peut pas, on ne doit pas l’organiser. Si on le fait, elle meurt, fossilisée; elle n’est plus qu’une croyance, une secte, une religion que l’on impose à d’autres.

C’est ce que chacun prétend faire à travers le monde. La Vérité est rapetissée, transformée en jouet pour ceux qui sont faibles, ceux dont le mécontentement n’est que momentané. La Vérité ne peut être mise à la portée de l’individu, c’est à l’individu de faire l’effort pour monter jusqu’à elle. On ne peut pas amener dans la vallée le sommet de la montagne. Si on veut l’atteindre, il faut entrer dans la vallée, puis grimper les raidillons, sans craindre les précipices dangereux. Il faut monter vers la Vérité, elle ne peut pas descendre à votre niveau ou être façonnée pour vous. Les institutions entretiennent l’intérêt pour les idées, mais elles suscitent cet intérêt de l’extérieur. L’intérêt qui ne naît pas de l’amour de la Vérité pour elle-même, l’intérêt inspiré par une institution, est sans valeur. L’institution devient un cadre auquel les membres s’adaptent confortablement. Ils ne tendent plus vers la Vérité, vers le sommet de la montagne, ils se taillent une niche commode dans laquelle ils s’installent ou se font installer par l’institution, pensant qu’elle les conduira de ce fait à la Vérité.

Voilà la première raison pour laquelle, à mon point de vue, l’Ordre de l’Étoile doit être dissous.

En dépit de cela vous allez probablement fonder quelque autre ordre, ou vous continuerez à appartenir à d’autres institutions qui cherchent la Vérité.
Pour ce qui me concerne, je ne veux appartenir à aucune entreprise d’ordre spirituel, comprenez bien cela. J’utilise une entreprise qui me conduit à Londres, par exemple : c’est une toute autre sorte d’entreprise, purement mécanique, comme la poste ou le télégraphe. J’utiliserai une voiture ou un bateau pour voyager, ce sont des machines qui n’ont rien à voir avec la spiritualité. Je répète qu’aucune institution ne peut mener l’homme à la spiritualité. Si on en crée une dans cette intention, elle devient une béquille, une faiblesse, un esclavage qui mutile l’individu et l’empêche de grandir, de fonder son caractère unique, lequel consiste en sa propre découverte de la Vérité absolue et inconditionnée. C’est la seconde raison qui m’amène, puisque je me trouve être le chef de l’Ordre, à le dissoudre. Personne n’a pesé sur ma décision.

Ce n’est pas une action d’éclat; simplement je ne veux pas de disciples, j’insiste là-dessus. Dès que l’on suit quelqu’un, on cesse de suivre la Vérité. Peu m’importe que vous teniez compte de ce que je dis ou non. J’ai une chose à faire dans le monde, et je vais m’y consacrer avec une détermination inébranlable. Je ne me préoccupe que d’une seule chose, essentielle : libérer l’homme. Je veux qu’il soit libre de toutes les cages, de toutes les peurs, et non pas libre de retrouver une nouvelle religion, une nouvelle secte, de nouvelles théories ou de nouvelles philosophies.

Vous allez naturellement me demander pourquoi je parcours le monde, à parler sans cesse. Je vais vous dire pourquoi : ce n’est pas parce que je désire un auditoire, ou attirer à moi un groupe choisi de disciples élus. (Les hommes adorent se distinguer de leurs semblables, même par les différences les plus ridicules, absurdes et futiles ! Je ne veux pas encourager cette absurdité…) Je n’ai pas de disciples et pas d’apôtres, ni dans ce monde ni dans le monde de la spiritualité.

Ce n’est pas non plus le désir d’argent, ni d’une vie confortable qui me mène. Si je voulais une vie confortable, je ne participerais pas à des camps et ne vivrais pas dans un pays humide ! Je parle franchement car je veux que les choses soient établies une bonne fois pour toutes, je ne veux pas poursuivre d’année en année ces discussions puériles.

Un journaliste qui m’interviewait trouvait que dissoudre une institution composée de milliers et de milliers de membres était un geste grandiose, car, disait-il, « Que ferez-vous maintenant, comment vivrez-vous ? Vous n’aurez plus d’auditoire, on ne vous écoutera plus ». S’il n’y a que cinq personnes qui veulent écouter, qui veulent vivre le visage tourné vers l’éternité, ce sera assez.

A quoi sert d’avoir des milliers d’auditeurs qui ne comprennent pas, confits dans leurs préjugés, qui refusent le neuf, ou plutôt voudraient bien convertir le neuf en quelque chose qui convienne à leur petit ‘moi’ stérile et stagnant ? Si mes paroles sont fermes, comprenez bien que ce n’est pas par manque de compassion. Si vous allez consulter un chirurgien, n’est-ce pas de la bonté de sa part de vous opérer même s’il vous fait mal ? De même, si je parle sans détour, ce n’est pas par manque d’une réelle affection, tout au contraire.

Je vous l’ai dit, je n’ai qu’un but : libérer l’homme, le presser vers la liberté, l’aider à se dégager de toutes les limitations, car cela seul lui fera atteindre la béatitude éternelle, la réalisation du soi inconditionné.

Parce que je suis libre, inconditionné, intégral – pas une vérité partielle, pas une vérité relative, mais Vérité absolue, qui est éternelle – je désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres. Pas libres de me suivre, de faire de moi une cage qui se change en religion, en secte. Mais qu’ils soient libres de toute peur : peur de la religion, peur du salut, peur de la spiritualité, peur de l’amour, peur de la mort, peur de la vie même. Un artiste peint un tableau parce qu’il trouve sa joie en peignant, parce que c’est sa façon de s’exprimer, son honneur, son bien-être : c’est ainsi que j’agis, et non parce que j’attends quoi que ce soit de qui que ce soit.

Vous êtes habitués à l’autorité, ou à l’atmosphère d’autorité qui, pensez-vous, vous conduira à la vie spirituelle. Vous croyez, vous espérez qu’un autre, par ses pouvoirs extraordinaires – par un miracle – va vous transporter dans cet univers de liberté éternelle qui est la béatitude. Toute votre conception de la vie est fondée sur cette autorité.

Voici trois ans maintenant que vous m’écoutez, sans qu’aucun changement ne se produise, sauf chez quelques-uns. Analysez maintenant ce que je dis, exercez votre sens critique, afin de pouvoir comprendre totalement, en profondeur. Lorsque vous demandez à une autorité de vous guider vers la vie spirituelle, vous êtes obligatoirement conduits à construire une organisation autour de cette autorité. Du fait même de créer cette organisation afin d’aider cette autorité à vous guider vers la spiritualité, vous vous êtes mis en cage.

Si je parle franchement, souvenez-vous que je le fais sans dureté, ni cruauté, ni par exaltation pour mon sujet, mais parce que je veux que vous compreniez ce que je suis en train de dire. Vous êtes venus pour cela et ce serait une perte de temps de ne pas exposer clairement et définitivement mon point de vue.

Pendant dix-huit ans, vous avez préparé cet événement, la venue de l’Instructeur du Monde. Pendant dix-huit ans, vous vous êtes organisés, vous avez attendu quelqu’un qui apporte une joie nouvelle dans vos cœurs et vos esprits, qui transforme complètement votre vie, qui vous donne un nouvel entendement; attendu quelqu’un qui élève votre vie à un plan supérieur, qui vous redonne courage, qui vous rende libre… Et voyez maintenant ce qui se passe !

Réfléchissez, raisonnez avec vous-mêmes et voyez en quoi cette croyance vous a rendu différents – pas la différence superficielle de porter un badge, ce qui est futile, absurde. En quoi cette croyance a-t-elle balayé toutes les choses superflues de la vie ? C’est la seule façon d’en juger : en quoi êtes-vous plus libres, plus grands, plus dangereux pour toute société fondée sur le fallacieux et l’accessoire ? En quoi les membres de cette organisation de l’Étoile sont-ils devenus différents ?

Comme je l’ai dit, vous avez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans. Cela m’est égal que vous croyiez ou non que je suis l’Instructeur du Monde, cela importe peu. Comme membres de l’institution de l’Ordre de l’Étoile, vous avez apporté votre sympathie, mis votre énergie à reconnaître Krishnamurti comme l’Instructeur du Monde, certains pleinement – ceux qui cherchent vraiment – certains partiellement – ceux qui sont satisfaits de leurs propres demi-vérités.

Vous avez préparé pendant dix-huit ans, et regardez combien d’obstacles à votre compréhension, combien de complications, combien de futilités. Vos préjugés, vos peurs, vos autorités, vos églises anciennes et nouvelles, tout ceci, je le soutiens, fait barrage à la compréhension. Je ne peux pas être plus clair. Je ne veux pas que vous acquiesciez, je ne veux pas que vous me suiviez, je veux que vous compreniez ce que je suis en train de dire.

Il vous faut comprendre, car, loin de vous transformer, votre croyance n’a fait que vous rendre compliqués, parce que vous ne voulez pas affronter les choses telles qu’elles sont. Vous voulez vos dieux – des nouveaux dieux au lieu des anciens, de nouvelles religions au lieu des anciennes, de nouvelles structures au lieu des anciennes – toutes choses sans valeur, des obstacles, des limitations, des béquilles. À la place d’anciennes distinctions spirituelles, vous en avez de nouvelles, au lieu de vos vieilles dévotions, vous en avez des neuves. Pour votre vie spirituelle, vous dépendez de quelqu’un, pour votre bonheur, vous dépendez de quelqu’un, pour votre illumination, vous dépendez de quelqu’un. Et, bien que vous prépariez depuis dix-huit ans ma venue, quand je vous dis que toutes ces choses sont inutiles, quand je vous dis de les rejeter en bloc et de chercher en vous-même l’illumination, la splendeur, la purification et l’incorruptibilité du soi, pas un d’entre vous n’est prêt à le faire. Peut-être quelques-uns, mais peu, très peu…

Alors, à quoi bon une telle institution ?

Pourquoi avoir avec moi des gens insincères et hypocrites, moi l’incarnation de la Vérité ? Je vous en prie, rappelez-vous que je ne veux être ni dur, ni méchant, mais nous sommes arrivés à un stade où il faut voir les choses en face. J’ai dit l’an dernier que je ne me prêterai pas à un compromis. Très peu alors ont écouté. Cette année, j’ai mis les choses tout à fait au clair. J’ignore combien de milliers de membres de l’Ordre à travers le monde ont préparé depuis dix-huit ans ma venue, et pourtant, aujourd’hui, ils ne veulent toujours pas écouter totalement, sans réserve, ce que je dis, alors, à quoi bon une telle institution ?

Mon dessein, je le répète, est de libérer les hommes sans condition, car je soutiens que la seule spiritualité est l’incorruptibilité du soi qui est éternel, c’est l’harmonie entre la raison et l’amour. C’est la Vérité absolue, inconditionnée, qui est la Vie elle-même. Je veux donc libérer l’homme; qu’il exulte comme l’oiseau dans le ciel clair, sans poids, sans attache, extatique de cette liberté. Et moi, pour qui vous avez tout préparé pendant dix-huit ans, je vous dis maintenant de vous libérer de toutes vos complications, de vos pesanteurs. Vous n’avez pas besoin pour cela d’une organisation fondée sur une croyance spirituelle. Pourquoi former une structure pour la dizaine de personnes dans le monde qui comprennent, qui s’appliquent, qui ont mis de côté tout ce qui est insignifiant? Quant aux faibles, aucune organisation ne peut les aider à trouver la Vérité, parce que la Vérité est en chacun; elle n’est ni loin, ni près, elle est là, éternellement.

Les organisations ne peuvent pas vous rendre libres. Aucun être venu d’ailleurs ne peut le faire; fonder un culte, vous immoler à une cause ne vous libéreront pas non plus; vous regrouper en organisation, vous lancer dans les œuvres non plus. Vous utilisez une machine à écrire pour votre correspondance, mais vous ne la posez pas sur un autel pour l’adorer. Pourtant c’est bien que vous faites quand une institution devient votre premier souci. « Combien de membres ? » Voilà la première question que me posent les journalistes. « Combien de disciples ? C’est à leur nombre que nous jugerons si ce que vous dites est vrai ou faux. » J’ignore leur nombre, cela ne m’intéresse pas. Comme je l’ai dit, s’il n’y avait qu’une seule personne libérée, ce serait assez.

Vous croyez que seules certaines personnes détiennent la clé du Royaume de la Béatitude. Personne ne la détient, personne n’en a l’autorité. Cette clé, c’est le soi, et c’est seulement dans le développement, la purification, et l’incorruptibilité du soi que réside le Royaume de l’Éternité.

Vous verrez alors à quel point est absurde toute la structure que vous avez édifiée, cherchant une aide extérieure, dépendant des autres pour votre réconfort, votre bonheur, votre force. Tout cela, vous ne le trouverez qu’en vous-même.?Vous n’avez donc pas besoin d’une institution.

Vous avez pris l’habitude que l’on vous dise où vous en êtes sur le plan spirituel. Comme c’est puéril ! Qui d’autre que vous peut dire si vous êtes beau ou laid intérieurement, qui d’autre peut dire si vous êtes incorruptible? Vous n’êtes pas sérieux.

Alors, quelle est la valeur d’une institution ?

Mais ceux qui cherchent réellement à comprendre, à découvrir ce qui est éternel, ce qui n’a ni commencement ni fin, feront route ensemble avec une plus grande intensité, et deviendront un danger pour tout ce qui n’est pas essentiel, les chimères, les ombres. Ils se concentreront, ils deviendront la flamme, parce qu’ils auront compris. Voilà le groupe que nous devons créer, et tel est mon but. L’existence d’une vraie compréhension entraînera une vraie amitié. A cause de cette véritable amitié – sentiment que vous ne semblez pas connaître – chacun apportera sincèrement sa coopération, non pas sous la pression de l’autorité, ni pour rechercher son salut, ni en immolation à une cause, mais parce que vous comprendrez véritablement, donc vous serez capables de vivre dans l’éternel. Ceci est bien plus fort que tout plaisir, que tout sacrifice.

Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles, après y avoir réfléchi sérieusement pendant deux ans, j’ai pris cette décision. Je ne cède pas à une impulsion momentanée, personne ne m’y a poussé; dans ce domaine, je ne suis pas sensible aux influences. Pendant deux ans, j’ai pensé à cela, calmement, patiemment, avec grand soin, et j’ai finalement décidé de démanteler l’Ordre, puisque je me trouve être son président. Libre à vous de fonder une autre institution et d’attendre quelqu’un d’autre, cela ne me concerne pas, pas plus que de créer de nouvelles cages, de nouvelles décorations pour ces cages. Mon seul souci est de rendre les hommes libres, absolument, inconditionnellement libres. »

Tous droits réservés. Copyright© 1980 Krishnamurti Foundation America.

ICI : Vidéos de Krishnamurti

 

NOTES :

[1] Pascal Hubert, « Pour un nouveau Credo », Golias Magazine, n° 175 et Pascal Hubert, « Le mythe de la pureté ou le miroir aux alouettes », Golias Magazine, n° 176.

[2] Jean Meslier, Testament, https://goo.gl/6g9aLB

[3] Richard Bergeron, « Pour une spiritualité du troisième millénaire », Religiologiques, n° 20, automne 1999, p. 31-246 ; sur le web http://www.religiologiques.uqam.ca/ 19/20/Religiologiques20PDF/20(231-246)Bergeron.pdf et Renaître à la spiritualité, Fidès, Québec, 2002, 279 p.

[4] Jacques Musset, « À quelles expériences le mot Dieu renvoie-t-il pour un disciple de Jésus aujourd’hui ? », http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-interreligieux/i127.htm

[5] Jacques Musset, op cit.

[6] « Jiddu Krishnamurti – un Destin, une Vie », https://www.youtube.com/watch?v=f2Jlh 7RM—g=f2Jlh 7RM—g  ; « Entretien avec Jiddu  Krishnamurti », http://www.ina.fr/audio/P12047331; sa déclaration d’indépendance (dissolution de l’Ordre de l’Étoile), https://www.youtube.com/watch?v=-FrelaLAatY

 

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4 réponses sur « L’AUTRE CHEMIN »

  1. Merci, Pascal pour ce bel article et toutes ces réflexions que je partage pleinement.
    J’aime beaucoup votre récit sur les étapes par lesquelles vous êtes passé. Je les reconnais pour les avoir abordées quasiment dans l’ordre où vous les présentez.
    Avec juste une différence. Ayant vécu lors d’un coma à 19 ans, une expérience de mort imminente, j’ai depuis cette époque, un rapport à Dieu qui est resté très présent et très intime jusqu’à aujourd’hui. J’ai donc pu rester profondément croyante tout en évoluant dans mon approche spirituelle et religieuse. Ce que j’y ai vécu dans cette expérience, m’y poussait de toute façon. Puisque Dieu tel que rencontré n’était que très peu en phase avec le Dieu qui m’avait été transmis dans ma famille et au catéchisme. Il y avait un fossé immense entre le Dieu théorique et le Dieu concret que j’avais rencontré lors de mon coma.
    Mon travail fut donc d’essayer de faire coïncider les deux ensemble et voir ce que je pouvais garder du Dieu théorique qui pouvait coller avec le Dieu concret.
    Autant vous dire que j’ai dû faire le gros ménage, mais ce qui est resté de cette mise au clair, est essentiel pour moi: la prière quotidienne, les temps de contemplation, d’observation attentive de mon environnement quel qu’il soit et le service auprès des autres, avec tout mon coeur, mon énergie. En faisant du mieux que je peux.
    Je peux dire que du coup, spirituellement, j’ai trouvé la paix et l’harmonie.
    Je n’ai plus peur de mourir. Je sais qu’il y a une vie après sous une autre forme et je suis sûre de l’Amour de Dieu pour chacun, chacune, sans jugement et en toute liberté.

    Ce qui m’a amenée à dissocier la foi (avec la pratique spirituelle personnelle) de la religion (création humaine destinée à instrumentaliser Dieu pour tenter de se faire Dieu à la place de Dieu, pour essayer de dominer ses congénères à tous les niveaux et de vivre à leurs crochets tout en les opprimant le plus possible).
    Le fait de constater que la religion détruisait la spiritualité plus qu’elle ne la faisait prospérer, et d’avoir constaté que le coeur du coeur de la spiritualité partait d’une contemplation-observation sans volonté de contrôle, et un lâcher-prise d’avec nos peurs, nos doutes, nos préjugés, m’a permis de trouver un équilibre beaucoup plus rapidement que je n’aurais pu le faire sans.

    Je suis donc passée d’un christianisme catholicisme très formel et plus lié au clergé qu’à une véritable relation spirituelle à Dieu, à un christianisme-catholicisme intérieur, qui je dois dire, me comble. Et qui me fait entrevoir la foi complètement sous un autre angle et forcément aussi le rapport aux autres également. Car j’ai enfin compris qu’il y avait une relation entre les deux, réelle, et non plus seulement théorique comme on nous l’apprenait au caté, façon injonction culpabilisante.
    Mais que ça n’avais strictement rien à voir avec la culpabilité. Juste avec la réception et la diffusion sans parole de cet état de bien-être vécu dans la prière. Là aussi, un truc beaucoup plus simple et sans chichi que les injonctions à évangéliser de nos clercs.

    Je rejoins donc tout à fait vos conclusions sur le bonheur et le sentiment de plénitude.
    Qui ne sont plus, dans ce type de spiritualité, feints, artificiels, mis en scène pour faire croire que. Mais profonds et nourrissants. Et qui inondent, infusent la vie au quotidien, nous accompagnent quoi que nous fassions.
    Chaque jour, j’ai envie de dire merci à Dieu et à la vie de m’avoir ouvert des portes et des prises de conscience qui m’apportent la joie. Grâce à ce lien, je suis en capacité de voir les cadeaux que nous recevons si nous prenons le temps d’observer…et la tendresse Dieu pour nous tous.
    Lire que vous aussi vous avez trouvé cet épanouissement et cette libération, me fait infiniment plaisir.
    C’est tellement merveilleux…Et ça place les échanges sur une compréhension tellement plus profonde. Merci d’avoir parlé de tout ça.

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    1. Merci également pour vos partages d’expérience toujours très riches. Je m’intéresse également aux EMI, bien que de manière théorique n’en ayant pas vécu. Quoiqu’il en soit, nous sommes bien à mille lieux des diktats religieux moralisateurs…

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