J’emprunte le chemin qui mène à la vie
« Se sentir vivant, jusqu’au bout se sentir vivant, voilà ce qu’il faut se promettre pour toutes les années encore à venir. »
« C’est tellement extraordinaire lorsque quelque chose commence à prendre forme. Tu te rends compte qu’avant l’œuvre n’existe pas, il n’y a aucune trace d’elle dans le monde, rien qui permette de la pressentir, d’imaginer qu’un jour elle sera là, parmi nous, et ensuite, après ces heures de recherche, de travail, elle se tient là, devant nos yeux, le monde est plein de quelque chose de nouveau qui auparavant n’existait pas. Chaque fois que j’y pense, ça me bouleverse. »
Laurence Tardieu, Nous aurons été vivants
J’emprunte le chemin qui mène à la vie. Cette vie, fragile, qui se laisse peu à peu porter par le fleuve. Elle ne veut plus se retenir aux rives, par crainte de se perdre. Elle se laisse dériver, elle apprend à lâcher prise. Elle se défait du besoin de reconnaissance et de sécurité, et cela fait un bien fou. Lâcher l’armure au fond du fleuve. Se faire enfin confiance, retrouver cette estime de soi si longtemps meurtrie. Même si demain je mourrai, ainsi va la vie. La mort aussi, il me faut l’apprivoiser.
Cette mort, aussi imprévisible que cette vie qui survient.
Il convient de tout intégrer en soi, avant de vivre vraiment, avant de mourir. Intégrer ses contraires, son passé. Ce besoin, chevillé au corps, de se réconcilier avec soi-même. Seule vérité universelle, qui vaille la peine d’être vécue. Mieux se connaître, muer jour après jour.
Après cet interminable chemin, sait-on où cela mène enfin ?
Faire corps avec soi est bien suffisant, s’aimer après d’éprouvantes circonvolutions. Le terme de l’aventure ne nous appartient pas. Autant que nous sommes, quelles que soient nos pauvres et intimes convictions, nous en sommes tous réduits à cela. À peau de chagrin, à deux fois rien.
Perdre ainsi la maîtrise de notre vie, de la naissance à la tombe.
Et guérir ainsi peu à peu, c’est ne plus avoir besoin d’être conforté par autrui sur son propre chemin de liberté. Les racines assainies, c’est enfin se tenir debout par soi-même. Et passer du silence mortifère à la parole libératrice.
Des ténèbres à la joie de vivre.
Mais, tu sais qu’il te faudra poursuivre encore sur ce chemin entrevu. Il te faudra rester vigilant, faire retour sur toi-même régulièrement. Te recentrer, encore et encore. Pas après pas. Pour ne pas obvier, pour poursuivre cette mutation, véritablement sans fin…
Mais tu sais que, cela aussi, fait partie intégrante de ta vie, de chaque vie…
Léger et délicat le Souffle qui désormais te porte par moment. Tu le sais là, présent au plus profond de toi-même, parfois tu le rejoins ou te laisse rejoindre. Il s’absente et revient. Tu as envie de pleurer face à ce qui monte en toi, cette étrange légèreté qui t’envahit par moment. Après un si long hiver, c’est la sève qui peu à peu irrigue ta vie…
Cette vie qui a fini par se frayer un chemin. Cette vie plus forte que la mort. Cette vie qui ne tenait qu’à un fil et qui s’est montrée si vaillante, surmontant un à un tous les obstacles dressés sur ta route…
Mais, tu ne pourrais t’arrêter ici sans redire ta reconnaissance infinie à ceux qui, parfois à leur insu, auront su te ramener sur le chemin qui mène à la vie. Tu sais qu’à ton tour, il te faut aider ceux qui peinent et désespèrent, ceux qui sont au fond de l’abîme…
Il n’y a pas d’abîmes si sombres,
il n’y a pas de falaises si hautes,
il n’y a pas d’égarements si tortueux
qui ne soient pas chemin.
Chacun de vos pas à travers le vide
Devient une île fleurie
Où les autres peuvent poser le pied.
Ne participe pas aux ténèbres,
Mais rayonne la lumière,
Toujours et partout !
Alors les ténèbres s’enfuiront.
Chaque jour cela deviendra plus facile pour vous.
Alors votre joie sera parfaite.
Extraits de Dialogues avec l’ange, un document recueilli par Gitta Mallasz, aux éditions Aubier.
Des ténèbres à la joie
Trois femmes après avoir goûté au « pire » ont vécu l’expérience de l’obscurité à la joie.