Le silence
« Dans le silence seul, la vérité de chacun se noue et prend des racines. »
Nous avons tous des moments de fatigue, de ras-le-bol, d’à quoi bon. C’est alors le moment de se souvenir que nous ne sommes pas qu’un corps, qu’il est peut-être temps d’arrêter la course du temps, de lever le pied et de penser enfin à soi. Un moment pour ne plus courir, pour rentrer en soi et se rejoindre en vérité. Faire silence comme une profonde respiration qui apaise. Pour se ressourcer, ne plus être pris dans les filets de l’anxiété et la perte de soi. Un temps pour retrouver ce centre que nous manquons si souvent. Un moment vital pour repenser nos priorités, pour panser notre être en perdition.
Depuis que je me livre en vérité, combien d’êtres je croise à bout de force. À continuer malgré tout, jusqu’à n’en plus pouvoir. Arrivés enfin aux pieds du mur, ils s’écroulent soudain. N’en pouvant plus, ils réfléchissent alors sur leur vie. Celle qui les a conduit à bout de souffle, les contraint enfin à se poser les bonnes questions. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Qu’ai-je fui si longtemps ? C’est le temps des retrouvailles, des remises en question, du silence si longtemps repoussé. Avant qu’il ne soit trop tard. Le signal d’alarme qu’il n’est plus possible d’étouffer. Toujours cette même histoire qui se rejoue, à chaque fois que l’on refuse de s’écouter.
On a beau le savoir avec la tête. Rien n’y fait, tant le quotidien – dans sa routine et sa course folle – nous happe. Et nous continuons à vivre du déni. Mais un jour, n’en pouvant plus, il faut l’affronter. La maladie, l’épuisement, le vide de l’existence. L’effondrement, le sursaut, le mal-être profond deviennent alors une chance. À saisir de toute urgence. Pour ne plus se mentir, pour vivre enfin. Tout rebond salutaire naît d’une chute, parfois vertigineuse.
Comme l’exprime si justement Charles Juliet : « Quand le silence et la paix s’établissent en moi, que je me trouve au plus loin de ma solitude, je sens que je suis centré et comme ancré dans l’essence de la vie. En de tels instants, le meilleur m’est donné, et au plus intime, je ne suis plus que jouissance, ravissement. » Lorsque de tels moments nous sont offerts, ne nous sentons-nous pas débordant de vie ? Une aspiration à plus grand que soi ne s’empare-t-elle pas de nous ? Ne nous sentons-nous pas, pour la première fois parfois, pleinement humains ?
Lorsque nous sommes, un instant, dégagés du moi, de notre ego et de sa tyrannie. Que l’autre n’est plus une menace, mais devient une rencontre. Lorsqu’il n’est plus question de pouvoir sur l’autre, mais d’amitié sincère. C’est alors que nous devenons, enfin, vulnérables, tellement humains. Long chemin, éternel recommencement, toujours à reprendre et à parfaire. Mais moment de grâce, désirable, à revivre. Voir l’autre, tel que je suis aussi…
Un moment où la tête se vide, un espace pour l’autre. Des mots vrais qui s’échangent. Loin de cette masse d’informations aussi, de ce bruit incessant qui nous vrille la tête. Ce brouhaha permanent qui tue le silence, nous entraîne toujours en dehors de soi, nous expulse de notre for intérieur. Aspirons à respirer loin de ce qui nous pollue corps et esprit. Cherchons à nous connaître, en vérité. Pour vivre le beau, le jouissif, l’au-delà de soi.
L’autre n’est pas bien différent de moi. Il court et se perd bien souvent. Encore faut-il en prendre conscience. Encore faut-il l’écouter. Encore faut-il savoir faire silence. Et rejoindre l’autre dans sa vérité nue. Dans ses failles et ses forces. Dans ses failles qui sont aussi ses forces. Dans ses failles qui sont miennes, et me parlent enfin. Cette commune humanité que nous fuyons par ignorance, par honte, par orgueil.
Aussi longtemps que nous sommes déchirés au-dedans, nous sommes incapables de silence. Nous survivons alors, de déséquilibre en déséquilibre. Et le moindre vent contraire nous fait dangereusement vaciller. Nous voilà le jouet des intempéries, de notre confusion, de l’irrésolu en nous. Long travail de connaissance de soi, avant que ne s’opère une légère mutation. Mutation fragile comme le roseau, qui trop souvent ploie sous le fardeau du jour.
Le chemin est ardu, à reprendre cent fois. Mais, entrevu un jour, il devient cette boussole inespérée. Un chemin de dépouillement, de bienveillance, de non-jugement. À mille lieux des églises et de leurs croyances. Un chemin de libération, qui nous veut enfin du bien. Toujours, à rebours de ce que nous avions cru. De fait, nous sommes soumis à tant de déterminismes qu’il nous faut éradiquer. Encore faut-il en prendre conscience.
Charles Juliet, encore : « Dès notre naissance et tout au long de notre vie, nous sommes déterminés par notre physique, notre physiologie, notre psychisme. À ces trois déterminismes s’ajoute celui qui nous vient de notre famille. Ses valeurs, ses conceptions, ses croyances, le milieu social qui est le sien… façonnent notre sensibilité et notre personnalité. À ce déterminisme puissant se surajoutent plus tard d’autres déterminismes d’origine sociale. »
La découverte du silence nous ouvre, enfin, la voie d’une liberté jusqu’alors inconnue. Et quoi de plus profonds que le silence et la liberté ? C’est qu’il devient possible, alors, d’aimer…
Pascal HUBERT
Pourquoi notre cerveau a besoin de silence ?
Chaque année, 10 000 morts prématurées en Europe sont associées au bruit. Deux minutes de silence par jour suffisent à ralentir les battements cardiaques. Avec Michel Le Van Quyen, analyse des besoins du cerveau en silence pour sa régénération.
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