Henri Tincq, ou la fin d’un monde ?

HENRI TINCQ, ou la fin d’un monde ?

 

Dans l’Église, comme partout ailleurs, nous avons les fantassins qui se font tirer dessus et ceux qui, arrivés après les autres, récoltent les lauriers de la victoire. Ce qui est particulièrement choquant, c’est quand les seconds tirent à boulets rouges sur les premiers. Alors qu’ils auraient dus partager les mêmes convictions, viser un même but…

 

C’est ainsi qu’avec son dernier livre, « Vatican, la fin d’un monde », Henri Tincq, ancien journaliste religieux du Monde, de La Croix, et « spécialiste es Vatican », sonne les trompettes de la cavalerie. Ainsi qu’il l’affirme dans la revue Le Point, du 2 octobre 2019, il a découvert et dénonce, enfin, le gouvernement « clérical » et « sexiste » de l’Église. À la bonne heure ! Dans la « cathosphère », j’ai l’impression qu’ils sont nombreux, après un aveuglement séculaire, à récupérer le vrai travail de quelques rares et précieux lanceurs d’alerte.

Bref retour en arrière. Quand les visionnaires n’étaient encore que des pourfendeurs de la Sainte Église. Des « gauchistes catholiques », des empêcheurs de tourner en rond. Et les bien-pensants, les vrais fidèles (à la botte) du pouvoir religieux. Ainsi, pas question de remettre en cause l’Église, et son conservatisme millénaire. Pas question d’être révolutionnaire. Plutôt rester dans la droite ligne du Magistère. Face à la crise des vocations, au départ des catholiques sur la pointe des pieds, à l’intransigeance romaine devant la sexualité, et à la sécularisation de la société qui apprenait à penser par elle-même. Un catholique, fut-il journaliste, doit, comme tout baptisé, rester aux ordres de son Institution. Il est vrai que, depuis la nuit des temps, le Vatican sait en imposer…

Ainsi, dans le journal Le Monde, du 22 mai 2008, une relecture pour le moins surprenante de l’histoire, et de mai 68 en particulier, nous est offerte par Henri Tincq : « Quarante ans après [mai 68], personne ne nie l’échec de ce ‘gauchisme’ des Églises. Les contestataires ont disparu ou perdu la partie. Plus aucun acteur sérieux ne croit qu’une révolution mettra fin à la crise. Les fruits de Mai 68 sont chez ceux qui, comme Maurice Clavel, ont misé sur un sursaut de l’esprit. Et il y a plus d’un lien à faire entre l’ébullition de Mai et l’émergence d’un ‘Renouveau’ de type charismatique chez les catholiques, pentecôtiste chez les protestants. Conversion, engagement radical, attestation sans complexe de la foi en Dieu : les charismatiques sont les ‘héritiers paradoxaux’ de Mai 68, constate Denis Pelletier. Ils bouleversent les cadres établis de l’évangélisation. En 1975, le pape bénit ce « nouveau Printemps » ». En ce cas…

Ah, ces chers Charismatiques qui allaient sauver l’Église en pleine débâcle. Le retour de l’Esprit allait étouffer toute velléité de liberté, surtout ne pas souffler sur les braises ardentes d’un véritable renouveau ! De nouvelles troupes fidèles au Magistère, si chères à Jean-Paul II. Point de « révolte spirituelle » possible. Point de rupture avec la Tradition, juste une belle « continuité dans la discontinuité ». Une « nouvelle évangélisation » était en marche ! Sous le bruissement des pavés, la chrétienté refleurirait. Merci Mai 68 !

Dans L’express du 7 janvier 2018, ce spécialiste des arcanes du Vatican jugeait alors que les revendications des jeunes « étaient marginales : il ne faut pas oublier que la majorité des croyants étaient de braves gens de droite. Mais, en Mai 68, tout était marginal. » Certains, comme Chenu, considèrent que le concile Vatican II n’est que le début d’un processus de changement. D’autres, comme Paul VI ou encore Lustiger, entendent siffler la fin de la récréation. Ainsi le pape affirme que la « fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu » et publie son encyclique Humanae Vitae « sur le mariage et la régulation des naissances », fermant la porte à la contraception, à l’avortement et aux homosexuels.

Haro unanime sur les hérétiques catholiques : plus minoritaire, tu meurs !

Entre les identitaires de droite et les bien-pensants de gauche, se cachent bien quelques réfractaires en liberté. Étrillés comme il se doit, par les uns, comme par les autres. Quelques hérétiques excités, quelques révolutionnaires qui ont la critique trop facile et qui, visiblement, souhaitent la destruction de l’Église universelle. Parmi eux, figurent en bonne place la revue Golias et son directeur Christian Terras. En 1985 déjà, il crée la revue « avec quatre-cinq chrétiens qui en avaient marre de cette église tournant le dos au concile Vatican II et s’orientant, sous l’égide de Jean-Paul II, vers une restauration catholique » (Article 11, 5 décembre 2008). Que font-ils, pratiquement seuls contre tous, quand les autres continuent à encenser l’Église et à rester fidèlement dans son giron ?

Christian Terras écrivait fin mai 2008, « Les chrétiens et Mai 68 revisités par Le Monde« . Souhaitant ainsi réagir « à une certaine lecture de l’histoire et de l’information proposée par le chroniqueur religieux Henri Tincq. En instrumentalisant des travaux d’historiens il vient d’affirmer que les Charismatiques sont les héritiers de Mai 68 ! Il prétend aussi que les chrétiens contestataires ont confondu Évangile et révolution. Au final, une analyse un peu simpliste de cette période » (Golias-editions, 29 mai 2008).

Depuis des décennies, revue après revue, investigation après investigation, Golias dénonçait déjà le cléricalisme, la double vie des cardinaux, leur richesse éhontée, les dérives sectaires dans maints et maints mouvements et communautés se revendiquant fidèlement de la Tradition, le totalitarisme doctrinal de la Curie. Bref, Golias dénonçait inlassablement, et contre vent et marée, le fossé grandissant entre l’Église et l’Évangile. Et, pendant que certains lui tiraient dans le dos, en ce compris nombre de « catholiques de la base » endoctrinés par la Sainte Église, cet « empêcheur de croire en rond » avait vu juste. Ainsi, l’impénitent Christian Terras, expliquait déjà au Point, du 30 décembre 2009 : « Il faut une grande réforme en profondeur du système institutionnel, structurel de l’Église et de son discours idéologique et doctrinal. Et qu’elle soit d’envergure. » Pour lui, l’Église doit « sortir d’un système de monarchie absolue de droit divin dans lequel l’Église fonctionne depuis des siècles ». En bref, il faut la démocratiser, pour ouvrir les décisions au « peuple de Dieu ». « Il n’est pas normal, estimait-t-il, que le peuple de Dieu, qui représente plus d’un milliard de fidèles, n’ait jamais voix au chapitre. » Pour Christian Terras, la réforme de l’Église doit venir de la base. « Il convient aux communautés chrétiennes de repenser autrement le ministère ordonné et, déjà sur le terrain, de travailler à un autre visage de l’Église en prenant des initiatives qui permettraient à moyen terme d’opérer la réforme nécessaire de cette institution » expliquait-t-il, par ailleurs, aux lecteurs du Monde. En 2013, il se prononce en faveur du mariage pour tous. « Il s’agit d’une avancée ». Pour lui, « les manifestants contre le mariage pour tous semblent s’acharner à vouloir empêcher à tout prix une évolution sociétale qu’il est certes permis de discuter mais qui s’inscrit dans une dynamique de tolérance et d’égalité qui traverse l’ensemble du monde occidental ». Il les résume d’ailleurs à « un conglomérat de catholiques conservateurs, fondamentalistes, intégristes » (Golias-news, 18 juin 2013) .

Évêques, Papes, mouvements et communautés d’église, tout passe au crible de l’investigation documentée et critique, sans langue de buis. Bref, cet agitateur iconoclaste, qui sort de nulle part, avec sa revue tirée à quelques centaines d’exemplaires d’abord et ces quelques chrétiens « minoritaires » et « vieillissants », est complètement fou ! Preuve en est, la presse catholique est unanime. Juste un trublion « hors de l’Église », une tempête dans un verre d’eau ! « On pourrait (…) s’attendre à un effort de documentation, fruit d’un vrai travail professionnel d’enquête. Mais n’est pas champion de l’investigation qui veut. (…) », dénonçait déjà Benoit Vandeputte dans La Croix, le 12 janvier 1998. De son côté, le Père Olivier de La Brosse écrivait en 1998 que la Conférence des Évêques de France (il en était le porte-parole) se demandait « en quel sens cette revue peut prétendre au titre de catholique ». Ne cherchez plus Messeigneurs les Sages et autres tontons flingueurs, ça tombe maintenant sous le sens !

Après une longue cécité journalistique, l’évidence d’une crise « systémique »

Que voit-on, en effet, aujourd’hui ? Les mouvements charismatiques, si chères à Henri Tincq, sont traversés, comme bien d’autres mouvements ou communautés d’Église, par des dérives sectaires, le clergé par le cléricalisme, la pédophilie et homosexualité, ainsi que par l’omerta au service du pouvoir religieux, et au détriment de ses innombrables victimes sacrifiées. Les suiveurs avaient tout faux, les cathos dits « contestataires » avaient une bonne longueur d’avance. Et puisque le pape François admet désormais les dérives sectaires de l’Institution et le cléricalisme « systémique » en son sein, grâce aux dénonciations inlassables de la société civile et des médias laïcs, voilà désormais que ces mêmes retardataires entendent, à leur tour, surfer sur la vague du renouveau. Récupérant du même coup la révolution de ceux qu’ils avaient si copieusement éreintés, et se refaisant à bon compte une nouvelle « virginité ».

Des spécialistes et des experts, ça ne manque pas sur le marché du « religieusement correct ». Ils sont invités sur les mêmes plateaux TV et font les pleines pages des mêmes magazines. Pendant ce temps, les lanceurs d’alerte tâchent de survivre, de se faire entendre, de tenir bon sur la distance du changement encore imperceptible, mais résolument en marche. Les vraies révolutions ne sont pas le fait de ceux qui suivent et parlent d’une même voix, mais de ceux qui cheminent en liberté avec leurs contemporains. Ainsi, il ne suffit pas d’écrire que Mai 68 avait été « un séisme dans les Églises », encore faut-il être capable de se détacher des masses croyantes pour examiner, en toute impartialité, les causes profondes de l’« effondrement du système de pouvoir catholique », ainsi que le constate désormais Henri Tincq.

Catholiques, la fin d’un aveuglement ?

Pourtant, à la lecture de son interview dans Le Point, je doute qu’il ait réellement pris la mesure de son aveuglement. Et, par la même occasion, de l’ampleur sismique de la cécité de l’Église à l’égard de la Modernité. Ainsi, en ayant couvert pour Le Monde le long pontificat de Jean-Paul II, il est inconcevable qu’il n’ait jamais fustigé ce que le commun des mortels aura pu parfaitement percevoir : ce fameux « système clérical, patriarcal, romain, machiste, sexiste, incarné par un gouvernement et un pape, dit infaillible, qui n’a de comptes à rendre qu’à Dieu », qu’il dénonce désormais, mais qui remonte au moins au quatrième siècle. Lorsque, avec l’empereur Constantin, le christianisme devient la religion officielle de l’Empire romain. Et puis, la « crise moderniste » de 1902 est connue de tous, a fortiori d’un « observateur avisé des arcanes du monde catholique »… Et puis, il est incroyable de n’avoir rien su ni vu de l’escroc Maciel, fondateur pervers des Légionnaires du Christ, protégé par ce même Vatican de Jean-Paul II…

Non, Monsieur Tincq, le plus effarant encore, c’est qu’après avoir ignoré ce que d’autres dénonçaient et que vous savez enfin, vous considériez encore ce pontificat de plus d’un quart de siècle comme « extraordinaire » et « solaire ». C’est le propre des aveugles de faire crédit à « l’unanimité (qui) s’est manifestée à sa mort et lors d’obsèques grandioses sur la place Saint-Pierre ». Toute Institution qui s’accroche au pouvoir, ne cherche-t-elle pas à soumettre les âmes par des manifestations grandioses, capables en effet de frapper les esprits ? Non, il ne sert à rien de vouloir dédouaner Jean-Paul II de son aveuglement, et du vôtre au passage. C’est toujours user de la même rhétorique et langue de buis. C’est, encore et toujours, donner foi à l’Église, au lieu d’informer lucidement le fidèle qui ignore trop souvent ce qui se trame dans les plus hautes sphères vaticanes. C’est se rendre complice de l’establishment ecclésial, plutôt que de défendre enfin ses victimes.

Tiens, s’agissant justement des victimes, vous admettez avoir mis du temps à saisir l’ampleur de la crise : « Oui, j’ai mis du temps à prendre conscience de la gravité de la situation. Je m’intéressais plus à la politique étrangère du Vatican ou à la théologie d’un Joseph Ratzinger/Benoît XVI qu’aux scandales sexuels qui, j’en fais l’aveu, me paraissaient périphériques. J’y voyais d’abord la volonté de quelques médias de régler des comptes avec une Église donneuse de leçons. Je parlais d’un ‘lynchage médiatique’. Je répétais la statistique selon laquelle 90 % des cas de pédophilie avaient lieu à l’intérieur des familles. » Comment, en qualité de journaliste aguerri, avez-vous pu passer sous silence ce qui était finalement notoire depuis des lustres déjà ? Fallait-il vraiment attendre les documentaires de ces dernières années sur les « scandales sexuels, de Boston à l’Australie en passant par l’Irlande, par la France » ? »

Sérieusement, avez-vous seulement ouvert les yeux « en lisant des témoignages accablants, les livres – qui sont de vrais coups de poing – de Véronique Margron et de Christine Pedotti« . Vous, « catholiques, [avez] tous été atteints par la sidération » ? Non, pas tous, et vous le savez. Les autres n’ont pas été entendus, voilà tout. Évidemment, s’il fallait se fier aux évêques de France pour connaître enfin la vérité, on comprend mieux l’inévitable lenteur à y voir clair : de fait, « les évêques de France ont été très lents à parler de ces affaires, à écouter les victimes, à les accueillir dans leurs assemblées. » Et à les indemniser (un jour) ? Mais, puisque le pape François a enfin permis que ça bouge, qui sait ?

Oui, « les choses bougent enfin », dites vous. Mais, ce n’est pas grâce aux médias catholiques, par trop soumis à la pensée unique. Pour eux, Sodoma et les révélations de Frédéric Martel sur les « doubles vies » de cardinaux à Rome font forcément l’effet d’une bombe ! Mais, à quoi peut bien servir la presse dans un Etat démocratique, si c’est pour se retrouver pieds et poing liés aux religions ? Depuis quand sont-elles gage d’émancipation, d’égalité entre les sexes, de libération des consciences ? N’auriez-vous donc servis qu’à justifier le pouvoir des clercs sur les fidèles ? Malgré vos innombrables enquêtes, vous n’auriez jamais entendu parler de la souffrance des milliers de victimes du clergé ?

Vous n’avez toujours pas perçu une chose essentielle, depuis le temps. Le monde est en avance sur vous, depuis qu’il vous a quitté. Depuis le temps, l’Église qui se prétendait prophétique s’est perdue. La « grande question » n’est donc plus de savoir si « à force de vouloir épouser l’esprit de son temps, l’Église se perd », comme vous dites. Et de citer encore Saint Paul… Mais de savoir si l’Église va enfin épouser son temps. J’entends bien qu’il s’agit là d’un sacré retournement, d’une conversion copernicienne, d’un abandon de vos belles certitudes. Mais, depuis le temps que l’Église nous vend Adam et Ève et son péché originel. Avec toute la clique invraisemblable des Sacrements qui en découlent. Depuis le temps que l’Église ne possède plus la Vérité et qu’elle perpétue ses dérives… Pourriez-vous enfin parler la langue des humains en chemin ? De quoi avez-vous peur, au fond ?

Il est devenu tellement clair que le monde n’a pas à se convertir à une Institution cléricale pervertie depuis tant de siècles déjà. Lorsque nous étions encore ignorants, et que la peur de la mort nous conduisait invariablement dans les bras sécurisant de notre Sainte Mère l’Église ! Là où je vous rejoins enfin, Monsieur Hincq, c’est lorsque vous affirmez que le pape François n’a rien changé à la doctrine. Seulement à la pastorale : « Un meilleur accueil pour les homosexuels, pour les divorcés-remariés, pour les femmes qui avortent. »

Mais, au fond, rien ne changera jamais, de fait. Et c’est là tout le problème : au nom de la Sainte Doctrine, les pécheurs restent évidemment des pécheurs. Et l’Église demeure invariablement celle qui possède et dispense la Vérité. Au nom du Dieu « trois fois Saint » ! Et c’est là, précisément, que je me sépare de vous : malgré tout ce que vous savez désormais des dérives de votre Église, vous demeurez invariablement du côté de sa Doctrine, c’est-à-dire au Royaume des aveugles… Et on ne s’étonnera plus que la femme – « servante inutile » et « naturelle » – demeure l’éternelle absente, de votre réflexion aussi. Voilà bien une façon, parmi d’autres, de perpétuer ce « système de pouvoir catholique » que vous sembliez vouloir dénoncer…

N’est pas lanceur d’alerte qui veut…

Gageons que Golias aura encore de belles années devant lui, et une longueur d’avance sur ces « observateurs avisés ». Pour l’heure, après le déni et la sidération, ces derniers sont de plus en plus nombreux à ouvrir enfin les yeux sur ce que tout le monde sait et admet désormais, pape en tête. Mais, ce faisant, ils conserveront toujours un retard incommensurable. La vraie révolution n’est pas faite pour eux, ils continueront à suivre la doxa de l’Église. À naviguer frileusement entre la Modernité qui leur fait peur, et la fidélité indécrottable au Magistère.

Mais, depuis quand le pouvoir religieux serait-il en avance sur son temps ? L’histoire de l’humanité ne nous enseigne-t-elle pas que les insoumis sont les seuls « lanceurs d’alerte » ? Et qu’il ne faut attendre ni excuses ni mercis de la part des « meilleurs spécialistes », en conformisme… Il faut décidément du temps pour qu’éclate le printemps...

Pascal HUBERT

 

« Henri Tincq, ou la fin d’un monde ? », Golias Hebdo, n° 595

 

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A télécharger ICI : l‘information en matière de religion. Une spécialisation moralement fondée ? Philippe Riutort

« J’ai compris le statut schizoïde du catho. Il est adulte dans sa vie profane et toujours enfant de chœur dans sa vie religieuse. Cette dichotomie est intenable. Golias est né de ça. »

Christian Terras

CHRISTIAN TERRAS, DE GOLIAS : « LE CHRISTIANISME NE PEUT EXISTER QUE DANS L’INSOUMISSION. »

 

 

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6 réponses sur « Henri Tincq, ou la fin d’un monde ? »

  1. Coucou Pascal

    Ce que n’ont toujours pas admis et compris les croyants comme les citoyens, c’est ce qu’a bien expliqué le philosophe Jacques Rancière: c’est que toute institution (religieuse ou non) est dans l’incapacité de se réformer. Pourquoi? Parce qu’elle est constituée d’une mythologie qu’elle répète avec des variantes à l’infini. Elle n’a donc pas la capacité d’évoluer, de changer réellement. Mais de répéter, d’enrichir sa mythologie. Parce que c’est la source de son pouvoir sur les individus, cette mythologie.
    Sans cette mythologie, elle n’a aucune raison d’être, elle ne domine plus rien ni personne. Or ce qui l’anime et la fait se mouvoir et exister véritablement, c’est le pouvoir sur autrui et un pouvoir dans la plupart des cas, qui se revendique plus ou moins frontalement, totalitaire.
    L’institution revendique un savoir supérieur, des compétences supérieures qui ne sont pas contestables et qui ne doivent pas être contestés. C’est valable pour toute forme d’institution, si tu observes bien. A partir de là, il n’est pas surprenant que n’importe quelle institution soit irréformable. Ca fait partie en réalité de son essence profonde. Que les individus doivent admettre comme un fait tangible.
    Pour pouvoir soit s’en émanciper et se vivre libre, soit accepter, par peur de l’autonomie et de la liberté, de s’y soumettre.

    Mais au moins, de pouvoir comprendre de quoi il retourne vraiment concernant ces institutions.
    L’institution est là pour dominer les individus et les couler dans un moule mythologique qui est le sien propre. Elle n’est pas là pour autre chose.

    Espérer modifier une institution, la réformer, est en réalité une perte d’énergie immense, de temps, qui va créer plus de souffrance, de désarroi, de désespoir et au final, un sentiment d’échec, de tristesse, d’accablement.
    Alors que ce temps, cette énergie pourraient servir à découvrir des tas d’autres choses, créer, partager, ce qui fait beaucoup plus avancer une société humaine, enfin il me semble, que de tenter de faire rentrer un concept rond dans un univers carré.

    A partir du moment où chacun prend conscience que c’est son action personnelle qui contribue à changer le monde, la société et que chacun est important. Et que tout ce que nous créons, développons, partageons, infuse et modifie minute à minute notre société, nous sortons d’une espèce de fausse croyance, diffusée dans tous les médias: comme quoi il y a des influenceurs, des institutions, des experts qui seuls parce qu’ils sont compétents, appartiennent à un groupe qui ne fait que ça toute la journée, peuvent modifier la société, et que les autres (c’est à dire le plus grand nombre) sont des ignorants et des incapables (sous entendu nous sommes incapables et ignorants et seuls ces experts, grands clercs, grands financiers, grands pontes de telle entreprise, tel ministère,sont compétents). Ce qui hiérarchise de fait les individus; d’un côté les dominants qui ont le droit de tout faire, tout dire, tout imposer et donc de faire avancer le monde selon leurs seuls intérêts privés sous couvert de l’intérêt collectif; et de l’autre, les autres qui doivent suivre, se soumettre ou mourir.
    En réalité, chacun a cette capacité de modifier son environnement, la pensée, le mode de vie, de réflexion, qu’il soit ou pas cultivé, s’il s’autorise à exister vraiment dans le lieu où il vit. Ce qui veut dire agir, créer, partager, discuter, échanger, découvrir, penser, aimer. Tout ça appartient à tout le monde et à chacun.
    Il n’y a donc pas de hiérarchie, pas de niveaux de légitimité .
    Et c’est pareil au plan spirituel et religieux. On devrait tous et toutes se répéter que chacun est important et unique.
    Ca éviterait tout un tas de dérives, de crimes, de mise sous dépendance sectaire et de mal-être aussi.

    Peut-être que je me trompe, mais tu vois, je me dis souvent que bien que nous soyons passés à une société humaine un peu plus démocratique qu’autrefois et avec des accès plus importants à l’information, l’éducation, la culture, la pensée critique, le libéralisme exponentiel et sans limite imposé par la société industrielle et bourgeoise, nous a ramenés sous une autre forme, dans une monarchie totalitaire qui a recréé une espèce de sang bleu et de coterie via des experts, des financiers mais aussi des religieux qui reprennent un chemin totalitaire qu’ils prétendent ordre divin. Et qui est toujours une forme d’instrumentalisation de Dieu pour se faire dieu à la place de Dieu.

    Donc qu’il nous faut déconstruire ces comportements abusifs, criminels, autant que l’était le système monarchique du passé.
    Sinon, nous resterons dans une société figée par un groupe qui se prétend supérieur et hors les lois qu’eux-mêmes fixent.

    Pour enrichir ce commentaire, faire un partage sur un texte qui m’a intéressé et qui ouvre d’autres questionnements chez moi, je te passe ce lien sur Rancière et Boltanski. Je ne sais pas s’il pourra t’aider ou pas dans ton cheminement personnel, mais il me semblait juste de te le partager.
    Si ça ne parle pas de spiritualité, il me semble que ça peut s’appliquer aussi au domaine spirituel. Et que ça rejoint aussi la démarche de Christian Terras et de Golias.

    https://journals.openedition.org/sociologies/5718

    Amitiés
    Françoise

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  2. Je viens de lire le commentaire de Françoise et comme elle je pense que les institutions ont du mal à évoluer car une évolution signifierait un risque de disparition, ce qui est une erreur mais c la maladie des institutions.
    J’en profite ici pour dire l’énervement qui me vient lorsque dans les médias et y compris dans Golias on parle de problèmes dans l’EGLISE aujourd’hui alors qu’il s’agit de problème dans le CLERGE. On dit que l’EGLISE devrait évoluer. Mais l’EGLISE est le peuple des baptisés et donc avec une immense majorités de laïcs et cette société de chrétiens évolue naturellement de concert avec la société générale où elle se trouve.
    C en fait le MAGISTERE ECCLESIAL qui n’évolue pas et tant pis pour lui, c son problème et pas le problème de l’EGLISE peuple des chrétiens.
    Les vocations sacerdotales sont déjà et deviendront encore plus rares et tant mieux car nous nous plaignons déjà du trop de cléricalisation dans l’EGLISE et de la baisse de la fréquentation de la messe dominicale et tant mieux encore car il est grand temps que la Doctrine et la liturgie évoluent et permettent au Chrétiens de réfléchir sans abandonner leur réflexion au curé qui serait le seul à connaître la vérité sur la foi.
    A la différence du passé, aujourd’hui tous les enfants passent le bac et apprennent à réfléchir avec leurs dissertations. Il n’est donc pas étonnant que la soi-disant réalité historique des miracles de Jésus, ça ne passe plus chez les jeunes.
    Jésus aurait dit parait-il que son EGLISE ne disparaîtrait pas mais il n’a pas dit que le CLERGE ne disparaîtrait pas
    l’ESPRIT souffle où il veut et il y a déjà bien longtemps que l’esprit des évangiles a pénétré la société générale.
    Pensons déjà par exemple mais il y en a plein, que notre système hospitalier est inspiré dès le départ par la charité chrétienne avec encore des noms qui en témoignent comme « hôpital de la Charité » ou « hôtel Dieu »
    Pensons aussi à notre devise française : « Liberté, égalité, fraternité » non seulement d’inspiration révolutionnaire mais encore avant d’inspiration évangélique.
    Pensons aussi à la création plus récente de la cour pénale internationale à La Haie qui permet dorénavant à des dictateurs chez d’Etat et ayant opprimé leur peuple de ne plus être à l’abri de la justice

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  3. Merci beaucoup pour cette distinction entre Clergé et Eglise. Il est vraiment important d’en faire la différence et votre propos est tout à fait juste. J’adhère complètement et je pense que c’est à nous baptisés d’entreprendre et créer de nouvelles manières de se rassembler, de prier ensemble et de nous nourrir de la Parole de Dieu. Si le Clergé refuse de nous entendre, nous pouvons nous passer de sa bénédiction et accomplir notre mission de baptisés. Rien ne nous en empêche. Et l’Esprit est à l’oeuvre et il s’agit de l’écouter et chacun peut met à l’oeuvre ce qu’Il lui souffle. Pourquoi ne soufflerait-Il que dans les « oreilles » du Clergé ?!

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