Lettre ouverte à ceux qui sont restés catholiques

              Lettre ouverte

       À ceux qui sont restés catholiques…

« Ce n’est pas la tradition, mais l’existence qui est le lieu de la vérité. »

Eugen Drewermann

Tandis que j’entamais mon Journal, L’humain réconcilié, je recevais les premiers échos à Paroles d’un libre croyant. Certaines connaissances, catholiques ou non, furent enthousiastes et reconnaissantes, alors que d’autres, catholiques pour la plupart, ont été déçues.

C’est à ceux qui ne comprennent pas mon retournement que je souhaiterais m’adresser ici.

*

Disons-le d’emblée : il ne m’est pas reproché d’avoir mal agi dans la vie – je n’en dis rien –, mais j’aurais mal pensé – j’en dirais trop ? C’est sans doute le plus grave.

Ainsi, certains sont hébétés par ce que j’ai pu écrire : que « l’histoire de l’Église est mortifère, et que la vie se joue ailleurs ». Mais, en vérité, ne sont-ce pas les trahisons de l’Église qui sont effroyables ? Suis-je coupable de les avoir dénoncées, après tant d’autres ? Ou serait-ce que je trouble quelque certitude ?

Et puis, est-ce si grave de penser par soi-même ? Est-ce si grave de remettre en cause ce que j’avais tenu pour certain ? Est-ce si grave d’écrire  que, moi aussi, je doute ? Serait-ce toujours sous peine de damnation éternelle ?

Certains n’ont vu que le Journal d’un tourmenté qui déverse sa bile sur l’Église. De fait, n’est-il pas fréquent de désigner un bouc émissaire à son malheur ?

Bref, j’aurais perdu le visage de l’orthodoxie ; c’est comme si je n’étais plus vraiment des leurs, que j’avais obvié du droit chemin. Pire : j’aurais perdu la foi.

Je le dis sans animosité, et sans ambages : vous n’avez pas perçu la quête désespérée qui fut mienne. Vous n’avez pas compris que, moi qui étais perdu, je cherchais à vivre. Vous n’avez pas vu que, grâce au chemin parcouru, je vais mieux ; vous avez réduit ma colère à ma blessure d’enfance. Bref, vous n’avez pas su partager ma peine, ni ma joie.

 Aussi, ma déception en regard de votre incompréhension n’est pas moins grande.

« Ni plaire ni déplaire », avais-je écrit à l’entame de Paroles d’un libre croyant. Tel est resté le fil rouge de ma quête : le risque de la vérité, le courage d’être.

Empruntant cette voie, je me suis coupé de certains. Ceux-là mêmes qui m’ont soutenu et aimé. C’est le tragique.

Par cette postface, je ne cherche pas à me justifier, seulement à faire ressentir le chemin parcouru. Et, peut-être, le faire désirer.

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À vrai dire, je comprends la déception suscitée : n’étais-je pas habité par les mêmes sentiments et les mêmes certitudes ? J’étais un compagnon sûr – un fidèle –, alors que je rejette aujourd’hui la religion que je vénérais hier. Avec la même honnêteté, je dirais même : véhémence et, qui plus est, avec un soulagement non feint.  

Entre ces deux réalités, voyez-vous, une seule est vraie : la religion n’est pas la vie, elle culpabilise et rigidifie. Aussi, je ne vois plus de difficulté à me débarrasser des faux dieux – ces projections infantiles de nos peurs, personnelles et collectives.

J’apprends à aimer le mystère de la vie, à me défier des certitudes idéologiques. J’ai compris qu’elles traversent toutes les époques, tous les domaines de l’existence.

Sachez-le pourtant : il m’eut été plus facile de rester avec vous – même insatisfait –, que de marcher seul dans la nuit. C’est au prix de grandes souffrances que je vais mieux. Grâce, entre autres, à ces écrivains-prophètes qui m’ont accompagné au fil des pages : ils m’ont éclairé au plus noir du doute. Ils m’ont affranchi de la peur de muer.

*

Mais, je crois deviner : vous attendiez de moi un témoignage de conversion – un vrai –, là où je n’aurais écrit qu’un pamphlet contre l’Église. Je viendrais grossir le flot des défaitistes, je ferais le lit des incroyants. Je suis un contre-témoignage.

Je vous en prie, ne m’obligez pas – une fois encore – à reprendre les trahisons séculaires de l’Église. Soyons lucides : elles sont plus que des incidents isolés, elles sont la signature indélébile d’une religion dévoyée.

Je le redis en vérité : j’aurais tant préféré garder foi en cette Église – ne pas découvrir ce que j’ai vu. Mais, pas plus que mon être, l’Église ne peut se construire sur le mensonge.

Cette prise de conscience me contraignait à une profonde remise en question. Non pas pour tout détruire – par dépit ou vengeance –, mais pour changer de vie. Oui, pour « sauver tout » (Maurice Bellet). Pour ne plus être déchiré entre mon christianisme et mon humanité, mais pour m’unifier peu à peu.

J’en suis persuadé : les catholiques – les fidèles – ne sont pas ceux qui le resteront, mais ceux qui accepteront de creuser leur foi – au risque de la perdre. Qui ne voit que la vie est perpétuel changement ? Qui ne voit que l’Église est contrainte d’évoluer, souvent malgré elle ? Qui ne perçoit que seuls les prophètes sont en avance sur leur temps ?

À la suite de tant d’autres, ma conversion à l’envers est le fruit d’une longue maturation. Elle est aux antipodes de l’apostasie ou du reniement d’un Dieu que j’aurais tenu pour certain. Elle est l’aveu sincère que – contrairement à ce que je m’efforçais de croire – je n’avais aucune certitude.

J’ai tenu à exposer avec honnêteté mon chemin.

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Mais votre expérience spirituelle n’est peut-être pas la mienne. Et je n’ai pas à en juger – c’est affaire personnelle. Tout au plus ai-je perçu le danger d’interpréter toute expérience au vu de nos représentations mentales, de notre religion, de ce qui fait notre histoire. Tout au plus ai-je senti le risque de la pensée unique. Mais le Tout Autre, s’il existe, dépasse tout entendement. Il déborde infiniment nos étroitesses. Et il nous désire libres sur notre chemin.

Qui ne voit en effet la nécessité de se défaire d’une personnalité d’emprunt, pour passer du moi (sous influence) au soi (authentique). C’est ce qu’avec d’autres, je nomme la voie mystique, détachée de tout livre sacré et de toute Institution (le support n’est jamais une fin en soi, juste un moyen  – dans le meilleur des cas).

C’est la voie de l’humain réconcilié.

*

À cet égard, je ne serais pas cet « homme réconcilié », ai-je entendu. C’est exact, mais qui ne voit que la réconciliation avec soi est un long chemin – qui ne cessera qu’au dernier souffle ? Cela ne remet pas en cause le chemin parcouru. Au contraire, je me sens conforté à poursuivre.

J’ai découvert que la réconciliation avec soi n’est – précisément – pas une affaire de religion, ni même de foi en Dieu !

Je n’ai écrit qu’une étape existentielle, un pas d’homme sur mon chemin.

Certains pensaient donc me connaître, et je dois les décevoir. Je me détache de l’image que j’ai pu donner. Je suis, en partie, responsable de celle-ci ; navré, mais la mue était à ce prix.

Mais, plus fondamentalement peut-être, n’est-il pas terrible de figer autrui derrière une image ? De type : « Je le connais ; je t’enferme. » L’autre et le Tout Autre ne sont-ils pas mystère ?

Ne plus savoir est rarement confortable, toujours surprenant. Ces nouvelles pages en sont le fruit, savoureux.

*

Me suis-je mieux fait comprendre ? Plus encore, ai-je donné à d’autres le désir de s’aventurer sur leur chemin intérieur ?

      Je l’espère.

Pascal HUBERT, L’humain réconcilié, Journal III

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2 réponses sur « Lettre ouverte à ceux qui sont restés catholiques »

  1. Un jour, on en arrive au constat cinglant que l’église n’est qu’une secte parmi tant d’autres. Pas seulement ses innombrables mouvements et communautés qu’elle a elle-même enfanté, mais bien l’église en soi. Tant sa doctrine que son comportement au cours des siècles démontrent l’imposture, l’emprise, le conditionnement. Elle aura abruti des millions des croyants et brandit l’enfer pour le seul motif que l’être humain entendait penser par lui-même et faire usage de sa raison ! Un scandale planétaire, que rien ne justifie et que personne ne rachètera jamais. Ce n’est pas un pape qui fera la différence, d’autant qu’il est dans le système et prétend qu’il est nécessaire d’y rester pour être fidèle à dieu. Il fait bel et bien partie du système pervers et mortifère.

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  2. Chaque être humain a une intelligence pour réfléchir, analyser, s’informer, comprendre. Elle permet à chacun d’évoluer et même de changer d’avis.
    J’ai été aussi au service de cette Eglise catholique. J’ai cru en Elle et je lui ai offert beaucoup de mon temps. C’est donc du dedans que j’ai pu prendre conscience du véritable comportement des prélats et des lois de cette religion. Ce fut un long chemin de réflexion à travers des rencontres et des lectures. Au fil de mes analyses grandissait en moi non seulement une profonde déception mais surtout une énorme colère. Je découvrais peu à peu que cette Eglise catholique qui m’avait bourré le crâne depuis l’enfance avait été montée de toutes pièces pour satisfaire le pouvoir de ses membres et mettre les humains à sa botte. Elle a inventé les péchés. Elle a brûlé des sorcières et des scientifiques. Elle a mis de côté la femme, la tentatrice, l’éternelle responsable. Elle a excommunié et condamné. Et surtout surtout, ses membres ont abusé d’enfants, d’innocents dont la vie a été détruite.

    Oui, je suis, moi aussi, dans une énorme colère car le message de Jésus a été trahi. Oui, j’en veux moi aussi à ces beaux chapeautés du Vatican et à leurs discours moralisateurs alors qu’ils cachent leurs crimes les plus odieux. Je ne supporte plus leurs leçons de morale alors que ces mêmes se permettent, en cachette, tous les comportements sexuels. Non je n’accepte plus que ces pontes fassent la leçon au peuple des croyants, prétendent à des vérités immuables, envoient des messages tendancieux et déplacés. Je ne crois pas davantage au pape François qu’on dit pourtant plus ouvert. Il n’a montré aucun signe tangible d’ouverture au monde d’aujourd’hui, n’a levé aucune interdiction dogmatique. Il continue au contraire de donner des leçons moralisatrices, aux femmes tout particulièrement.
    L’Eglise catholique ne respecte pas les Droits de l’Homme. Pourquoi personne ne le dit?

    Comme je vous comprends Psscal!
    Merci pour votre témoignage.

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