« Parlons vrai, sinon quoi d’autre ? »

« Parlons vrai, sinon quoi d’autre ? »

« Aimer, je crois que c’est ça, c’est arriver à s’aimer soi aussi dans nos blessures, dans nos vulnérabilités, dans nos fragilités. Et alors cela donne une force et une vie extraordinaires. On est là pour alchimiser les choses, transformer le plomb en or, spiritualiser la matière, c’est notre tâche d’homme. »

Laurence Nobécourt

C’est ma femme qui m’a fait découvrir cette écrivaine, et son dernier livre : Le chagrin des origines – L’écriture peut sauver la vie. Laurence Nobécourt m’interpelle et me touche immédiatement par ces mots. Des mots-scalpels, des mots qui creusent, des mots pour vivre enfin. Un livre qui interroge le mal-être qui la ronge, ses relations familiales tourmentées, ce décalage avec la vie. Et qui nous parle de la force spirituelle, quasi mystique, de l’acte d’écrire sans lequel, elle le dit, elle serait folle ou morte : « On se sépare des émotions vaines pour s’enfoncer dans la profondeur de l’exigence afin de trouver le bon rythme […] du silence et du souffle, celui qui bat entre les lettres. N’est-ce pas exactement la voie à laquelle toute spiritualité nous convoque ? »

Justement, j’ouvre au hasard mon dernier livre, De vous à moi. Et, comme en écho, je tombe sur ces mots :

« Ma sœur et moi avons vécu dans l’enfance de graves traumas. Dont les séquelles sont profondes et durables. Au point qu’il est bien difficile d’en prendre conscience. Le refoulement, pour tenter de survivre malgré tout, a fait son oeuvre et le déni des siens aura fait le reste. Pour s’en convaincre, il ne reste que cette angoisse tenace, logée au fond de l’être. Ces difficultés, peut-être irréversibles, de vivre l’altérité. Malgré les tentatives d’en sortir – de s’en sortir. Mais, bon sang, qu’avons-nous vécu de si grave, pour que cela nous poursuive une vie durant ?

Cela étant, je voudrais écrire un livre qui fasse du bien, qui recentre l’être alors qu’il part à la dérive. Un livre ressourçant, un livre aimant, un livre qui redonne envie de vivre. Et cette envie peut parfaitement passer par l’écriture des ténèbres. Par cette compréhension de là où vit l’autre. Comment l’aider, l’entendre et le comprendre si l’on s’avère incapable de le rejoindre, là où il se trouve. Fusse en enfer. Mais que de honte à écrire la noirceur de ma vie. De briser le tabou. De mettre à mort le silence. Les mots sont tellement plus que les mots, ils sont ma vie dans toute sa noire ténèbre.

J’en viens parfois à me demander, sans trop m’y attarder, tant cela me paraît invraisemblable, si je n’ai pas subi des maltraitances physiques, d’ordre sexuel. Elles sont finalement si fréquentes dans les familles, les cercles fermés, derrière les murs de la bienséance, les non-dits. Voilà qui est lâché, pour la première fois. Mais je sais l’enfouissement du mal si profond, si refoulé, si indicible, si impossible dans son éventualité même – son existence. Aurais-je été abusé ? Est-ce la signature de cette angoisse si durable, prégnante, qui, malgré tous mes efforts, me laisse sans repos ? Est-ce l’une des raisons pour lesquelles j’ai tant de mal avec les femmes, signe de mon immaturité affective ? Je sais les innombrables obstacles à franchir, avant d’être aimé. Cette capacité de s’ouvrir à autrui pour qu’il s’ouvre aussi à vous. Tant les barreaux de ma prison m’ont paru, si longtemps… comment dire ? Infranchissables.

Vois les mots que j’accumule. Les uns après les autres. Comme autant de pierres posées les unes sur les autres. Pour quitter l’enfance, pour entreprendre ma révolution. Pour parvenir au grand air. Je veux vivre, avant de mourir. Je veux conquérir ma renaissance, me réapproprier de la tête aux pieds. Goethe affirmait : « Si vous avez confiance en vous-mêmes, vous inspirerez con-fiance aux autres. » Tout cela est très vrai. Vivre malgré le passé mortifère, malgré la mort à venir. Se faire confiance. Je sais que, me concernant, tout est là ! La confiance en soi évacue la peur de l’autre ! Longtemps, je me suis laissé happer par le désir des autres. Je tentais donc de me fondre en eux, de jouer au caméléon. Je n’étais pas moi, j’étais eux en moi. D’où confusion, retrait, silence, mal-être. La reprise de confiance en soi, c’est la défusion.

Ma voie consiste à me libérer de mes chaînes. Et, à mesure, ma voix se libérera. Ce n’est pas une image, c’est une réalité proprement charnelle. Lorsque tu as vécu avec une mère castratrice, il est normal que les mêmes peurs se perpétuent au travers de tous les autres liens : peur de devoir rendre des comptes, d’être redevable, d’étouffer. Encore et encore. Alors que tu cherches seulement à te libérer, à ne plus reproduire ces liens qui, trop longtemps, t’ont fait si mal. Tes craintes sont là, profondément enfouies dans les replis de ton cerveau. Un rien et elles remontent à la surface. Réminiscences d’un passé douloureux. La difficulté de s’extraire de toute influence infligée depuis l’enfance.

Je tombe sur ces mots qui résument parfaitement l’origine de ma souffrance : « Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes, si terribles ou horribles soient-ils, qui nous font souffrir. La souffrance vient de ce que l’on n’a pas pu montrer ses sentiments, ni en parler, ni le hurler, ni en pleurer, ni le partager, et qu’on a tout enduré en silence. Cette souffrance prend sa source dans le secret, tel un “cadavre dans le placard”, voire un fantôme qui crie vengeance ou demande à être reconnu et pleuré. » (Anne Ancelin Schützenberger) Ne pas reproduire les dysfonctionnements subis dans l’enfance n’a rien de passif. Il s’agit, au contraire, de prendre conscience et ensuite de muter les forces de mort en force de vie.

Et l’autre, sans faillir, saura nous rappeler là où nous en sommes avec nous-mêmes. Comme le rappelle très justement Alessandro Jodorowski : « On est guéri par le fait qu’on est en train de changer, et d’avancer vers des situations qui sont de plus en plus agréables et confortables pour nous. Être guéri signifie être rentré dans la voie du progrès ; être malade, c’est ne pas poser le problème. La guérison se situe dans le fait de se sentir de mieux en mieux. » Et, sur ce point-là – vital – impossible de tricher, seulement de se faire illusion.

Alors que je vais prochainement donner cours, je m’aperçois combien j’ai encore peur du regard de l’autre. Qu’il me juge, me rabaisse ou se moque. Une fois encore, ce sont les événements à affronter qui me révèlent l’irrésolu en moi, mes peurs enfuies. « Une belle occasion de travailler sur soi, de poursuivre le chemin », comme dirait mon amie V. Travailler cette estime de soi, encore et toujours… Il est vrai que m’exposer à la face des autres, c’est enfin oser dévoiler cette face demeurée trop longtemps dans l’ombre de la mort. L’enjeu est de taille ! »

De vous à moi

Pascal HUBERT

De vous à moi
EN VENTE SUR : https://www.thebookedition.com/fr/de-vous-a-moi-p-361599.html

RÉSUMÉ

Enfant, j’ai vécu un trauma dont j’ignorais l’existence. Il était enfui au plus profond, tel un secret tombé au fond du gouffre. Mais les mots ont désenfoui le silence de la mère, la schizophrénie du père. Des mots nus, d’une lucidité sans faille ni tabou. Pour remonter à la source de l’être et se réconcilier avec soi. Pour se connaître et rebâtir sa demeure. Chemin faisant, j’ai passé au crible l’enfance, la religion et ma vie. Tout ce qui est inextricablement lié et a failli me tuer. Ces maux sont ma vérité. Ils sont miens, un peu vôtres peut-être.

N’hésitez pas à laisser un commentaire sur mon blog, un avis, une réflexion ou une suggestion…

ou à m’écrire à deviens.ce.que.tu.es333@gmail.com

Une réponse sur « « Parlons vrai, sinon quoi d’autre ? » »

  1. Merci pour ces références, Pascal. Et plein de belles choses à toi pour ta démarche d’enseignement.
    C’est vraiment un acte qui à la fois te permet un dépassement, qui t’enseigne des choses avant même de pouvoir en enseigner aux autres, qui te révèle des tas de choses sur l’instant (de façon plus ou moins consciente et que tu te sens en devoir de partager) mais aussi t’amène à une compréhension de plus en plus fine et profonde de l’humain dans tous ses aspects. C’est un partage d’humanité dans ce qu’il a de multiformes, parfois gai, parfois triste. Mais toujours profond. Ce que j’aime dans ce métier, c’est la diversité des altérités qui s’expriment et comment nous nous aidons tous à avancer collectivement. Ce n’est pas juste toi envers les autres, c’est vraiment une réciprocité qui se vit. Et ça c’est assez génial.
    Je t’embrasse très fort et t’envoie toutes les énergies les plus positives pour ton nouveau défi.

    Amitiés
    Françoise

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