« Il faut apprendre à mourir : voilà toute la vie. » Rilke

« Il faut apprendre à mourir : voilà toute la vie. »

René Maria Rilke 

Puisque vivre est aussi naturel que mourir et qu’il nous faut passer de l’un à l’autre, je crois de plus en plus que l’oeuvre d’une vie est d’apprendre à mourir. Intégrer au plus profond de soi cette fin inéluctable, pour vivre dès à présent. De mieux en mieux, le plus sereinement possible. Et, pour ce faire, vivre sa propre vie. Creuser son propre chemin, quelles qu’en soient la solitude et l’apparente impasse. Quand vivre devient une question de vie ou de mort, que l’angoisse est à son comble, que les démons tapis refont surface. Lorsque, dès la naissance peut-être, tu as été arraché au fleuve de la vie. Et que, t’en sentant exclu, il te faut chercher un chemin dont tu ignores tout encore. Tu le sais ou le devines, il te faut remonter à la source. Celle dont parlent tous les poètes. Hölderlin, Juliet, Rilke, parmi d’autres. Dans le seul but de trouver enfin l’apaisement, de savoir qui tu es et de vivre enfin ta vie avant de mourir.

C’est la grande affaire de toute une vie. Le comprendre enfin, pour ne plus fuir la mort qui vient. Mais, pour vivre cette aventure, il te faut t’arrêter et prendre du temps, pour descendre en toi, dégager les gravats qui obstruent ta voix, ne plus fuir l’insécurité qui soudain surgit. La vie est mouvement, remises en question, et non, balises plantées et murs érigés. Et, à mesure que le chemin s’élargit, que le ciel se dégage, l’être profond se construit, s’allège, se dilate d’un souffle inédit. Et puis, pour éviter le découragement qui parfois te guette, n’oublie pas de te retourner, de temps à autre, sur le chemin déjà parcouru. Fais ainsi taire l’insatisfaction et l’impatience qui te rongent, d’autant plus qu’autrui semble jouir de cette vie qui, peut-être, te fait encore cruellement défaut. Vois seulement l’amour qui parfois émerge en toi, vois les amitiés naissantes inespérées, vois les improbables rencontres avec toi et les autres. Apprends désormais à jouir de tes petites victoires, à ne plus te mépriser ni te saboter.

Apprendre à poser des mots, à colmater des brèches, à évacuer la honte d’être soi. Avec la longue cohorte des bâillonnés, ôter peu à peu ce qui étouffe. Briser la solitude entre les êtres en perdition. Parce que le silence est un poison qui tue. Couper les liens mortifères, pour reprendre sa vie en main. Personne d’autre que toi ne peut entreprendre ce long et douloureux travail de sape. Il s’agit enfin d’être fidèle à soi, quitte à pourfendre les tabous. Quitte à sortir de la mortifère loyauté familiale ou amicale. Peu à peu, reprendre sa vie en main. Creuser son humanité, élargir ses horizons. Et, que de ta nuit obscure, monte enfin une parole forte, tranchante, incandescente. Une Parole nue, remontée des enfers !

Pour se réconcilier avec soi, accepter les ombres du passé. Ce qui est perdu ne reviendra plus. Mais ta vie aujourd’hui peut être différente d’hier. Choisis donc, désormais, la Vie !

Pascal HUBERT

« Tu songes de temps à autre à ‘Lambeaux’. Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours tu.

Lorsqu’elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s’avancer à leur suite la cohorte des bâillonnées, des mutiques, des exilés des mots…
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance…
ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés…
ceux et celles qui crèvent de se mépriser et se haïr…
ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’il n’ont jamais été écoutés…
ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte…
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge…
ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse … »

Charles Juliet

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Une réponse sur « « Il faut apprendre à mourir : voilà toute la vie. » Rilke »

  1. Il me semble qu’à chaque étape de vie, le passé traumatique ressurgit, nous réinterpelle, que ce soit par la souffrance exprimée d’autrui, un évènement, une confidence ou des petites choses que nous n’avons pas traitées au plan psy, thérapeutique, parce que nous pensions que ce n’était pas si important que ça. Mais que sur un moment précis, une étape, ben si…ça aurait été important de travailler cet aspect négligé.
    J’en suis venue à penser que finalement, la résilience définitive n’existe pas. Et qu’elle n’est pas continue. Mais ce n’est finalement pas si problématique que ça quand tu es parvenu(e) à suffisamment de recul et de stabilité, de conscientisation par rapport au stade de vie et de parcours. Car tu réalises ce que tu dois encore travailler, ce qui reste à faire comme chemin.

    Sortir du silence est une première étape et vraiment la démarche la plus importante.
    Et c’est quelque chose qui reste je pense primordiale pour toujours continuer d’avancer.
    Ca peut être à double tranchant aussi mais, il me semble que parler fait toujours avancer la société. Même si les mots sont durs, les situations évoquées fracassantes. Chacun en retire quelque chose.

    Chaque étape de vie, par delà le traitement d’un trauma, est en soi une petite mort. Tu quittes des croyances, des peurs, des pensées limitantes pour ouvrir d’autres portes, mener d’autres projets, expérimenter d’autres choses que tu n’aurais pas faites avant. C’est ce qui est passionnant.
    Il me semble au stade où j’en suis rendue, que la vraie mort, ce serait plutôt que la mort physique, une mort de projets,d’envies, de désirs.
    Pour moi, la mort physique n’est qu’un passage, le corps n’étant qu’un véhicule temporaire. J’avais pu m’en rendre compte durant mon coma dépassé en réalisant qu’on reste soi et vivant hors du corps et hors d’un fonctionnement biologique. J’en suis arrivée à me dire que finalement la mort au sens où certains l’entendent (arrêt de tout, néant) n’existe pas. L’autre jour, j’écoutais une conférence d’un physicien (Philippe Guillemant) sur le thème de la conscience, et il expliquait que sans du tout avoir vécu ce type d’expérience de mort imminente, il avait mené des travaux de recherche et s’était aperçu que la conscience, donc si tu veux, l’âme, est indépendante du corps et donc vit perpétuellement. Ce qui finalement vérifie ce que manifestent les religions qui croient en une vie après la vie.
    Il expliquait la conscience comme une énergie électrique vivante. C’était passionnant.
    Alors dans ce cas-là, la phrase de Rilke s’inscrirait plus au plan symbolique.
    Ca ouvre des perspectives inédites, non?

    Bises, Pascal!

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