Golias, c’est fini !
« Notre sainte Mère l’Église a tenu et tient, fermement et avec la plus grande constance, que ces quatre évangiles, dont elle affirme sans hésiter l’historicité, transmettent fidèlement ce que Jésus le fils de Dieu, durant sa vie parmi les hommes, a réellement fait et enseigné pour leur salut éternel, jusqu’au jour où il fut enlevé au Ciel. »
Dei Verbum 19
« On pourrait se demander comment il est possible que, pendant des siècles, une multitude d’humains ont pu soumettre leur pensée et leur vie aux obligations et interdits issus des récits et des légendes de la Bible ou d’autre livres dits sacrés. »
Roger Sougnez
« Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. »
Étienne de La Boétie
L’aventure fut exaltante, la liberté de ton incomparable, la rubrique dans Golias Hebdo sur mesure : « Mitres d’honneur/coups de gueule. » L’aventure se termine pourtant, de manière quelque peu abrupte, mais finalement prévisible.
J’ai eu le désir de la transparence, au lieu de me cacher sous un joli pseudo, ignorant ainsi les « Djinns » chagrins qui traînent sur les réseaux sociaux, et remontent à leur bienfaiteur tout écartement, trop enflammé et sans concession, à la « sainte orthodoxie». C’est qu’il est des catholiques autoproclamés libres, mais qu’il ne faut jamais titiller sur leurs propres certitudes. Ils font partie du système qu’ils critiquent, sans même s’apercevoir qu’ils le perpétuent une fois de plus. Aussi, sous peine de scier la branche sur laquelle ils sont confortablement installés, ils ne s’autorisent plus aucune remise en question, excepté celle permise par leur nouvelle liberté chèrement acquise. Ils ont vu le cléricalisme, en dénoncent les crimes et les abus innombrables. Ils ont rencontré le Christ. Circulez, il n’y a désormais plus rien à dire. N’est pas Orwell qui veut!
Le « point d’achoppement » tient à peu de choses, à une chose essentielle : s’il est permis de critiquer férocement l’Institution religieuse, il est interdit de remettre en cause l’Évangile et ceux qui s’en revendiquent encore. Telle est la ligne éditoriale, la ligne rouge à ne pas franchir. J’ai trop tiré sur le fil, c’est certain. Non par goût de la provocation, mais par honnêteté intellectuelle. Je suis de ceux qui pensent qu’une remise en question en appelle forcément une autre, qu’il ne s’agit plus d’accomplir une énième réforme, mais qu’un véritable changement de paradigme s’impose.
Il s’agit, enfin, de tuer le dieu anthropomorphique et imaginaire, pour qu’advienne désormais l’humain. C’est ce que, de mille et une manières, j’ai tenté de faire comprendre, avec mes tripes parfois en ébullition, face à tant de conditionnements. Ainsi que le relève Christian de Duve, avec justesse, « tous les problèmes qu’il est possible de poser le seront une fois ou l’autre, ils ne peuvent pas ne pas l’être ». On le voit bien, désormais, avec les innombrables scandales qui, un peu partout dans le monde, éclaboussent la « Sainte Église », après une omerta criminelle, savamment orchestrée depuis des millénaires !
Ne vous en déplaise, l’Évangile a été construit par l’Église sur des mythes païens, et au fil des siècles, aura permis d’effroyables abus sur les consciences et sur les corps. Ce Livre est une invention de l’Institution cléricale, pétri d’incertitudes historiques et d’injonctions morales, pour soumettre les masses croyantes à une Seule Vérité. Il en est, évidemment, de même pour les autres livres religieux, dits « sacrés ». Et force est de constater qu’en leur nom le conditionnement oeuvre depuis des siècles. Les femmes subissant en premiers les assauts de la bonne morale et les clercs parlant pour elles de leur fameux « génie féminin ». Et comme pour toute soumission réussie, elles demeurent les premières à vouloir perpétuer leur servitude.
Au nom du même Évangile, revu et corrigé d’abord par les exégètes et les sciences profanes, ensuite par quelques hérétiques en liberté, désormais par quelques femmes désirant prendre la parole dans cette même Église, mortifère et typiquement patriarcale. Ce faisant, celles et ceux qui restent dans pareille église – qui n’aura jamais œuvré pour le « Vivant » -, ne font qu’adouber un dieu anthropomorphique, au lieu de vivre enfin librement leur humanité. Passer d’un Dieu juge et trinitaire à « l’esprit » de Jésus, après tant de siècles d’errances – ou d’inerrance ! – et de Vérités saintes, le tout tiré du même Évangile, me paraît être un « tour de passe-passe » que la raison ne saurait justifier au nom d’une « foi » aussi délétère.
Aussi, affirmer simplement, comme le font encore certains catholiques, que « Telle doctrine ne serait pas l’Évangile » ou que « Jésus n’aurait jamais dit cela », me paraît finalement assez illusoire et infantile. C’est encore vouloir s’enfermer dans un Livre, au nom du même Évangile… En réalité, il est impossible de savoir ce que Jésus aurait réellement dit ou souhaité ! Ainsi, quelle perte de temps, d’énergie et de polémiques stériles ! Que d’erreurs propagées et de souffrances, physiques et psychiques, commises au nom du Livre ! Autrement dit encore, il s’agit enfin de vivre par soi-même, et non plus par imitation typiquement sectaire !
Je ne peux concevoir qu’une revue aussi progressiste que Golias, refuse d’affronter ce «point aveugle », et me reproche au fond ce qui lui a tant de fois été reproché par d’autres catholiques, prétendument plus « orthodoxes » : la remise en question de l’Évangile censé régir tout « bon chrétien ». Parce qu’il ne faudrait pas, selon l’expression consacrée en pareil cas, jeter le bébé avec l’eau du bain ! Les lecteurs n’ont-ils pas le droit d’évoluer, d’être questionnés sur leur croyance ? Le pire ne serait-il pas d’étouffer toute critique pour ne pas heurter son lectorat ?
L’Espérance est une chose, la saine clairvoyance une autre. La ligne éditoriale ne peut demeurer figée, sous peine d’être un jour dépassée. Elle se doit d’épouser les courbes de la modernité et de la lucidité intraitable. Il y a là, me semble-t-il, une merveilleuse aventure à poursuivre en vérité. Si ce point n’est pas discutable, d’autres poursuivront ce travail de sape que Golias avait alors si courageusement entamé, envers et contre tous. N’en a-t-il pas toujours été ainsi au cours de l’Histoire ?
Ne pouvant me taire, incapable de vivre encore cette tension entre ce que je vis à la jointure de l’être et serais encore censé écrire, je vous quitte donc, non sans un pincement au cœur. Mais la vie est faite de changement et de remises en question successives, surtout lorsque la fidélité à soi est la seule ligne rouge désirable. Comme l’affirmait Albert Jacquard, « il n’y a rien de pire que de ne pas s’autoriser à dire ce que l’on pense vraiment ». Je porterai donc ailleurs mes coups de gueule, pour ne plus me mentir.
La liberté est trop immense pour l’enfermer dans un Livre !
Pascal HUBERT


Se désintoxiquer de la langue de bois
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Coucou Pascal
Oh, quel dommage que ta collaboration avec Golias s’arrête. J’aimais tant tes éditos. Si je les lis ici, les confronter hors de ton blog est très sympa car ça ouvre d’autres réflexions et partages.
Si je comprends ta décision par désir d’authenticité, d’alignement intérieur, ça me chagrine un peu parce que je me dis qu’en réalité Golias est bien plus proche de toi que de la plupart des autres courants cathos.
Par contre, pour te situer le contexte et comprendre pourquoi Golias ne peut pas accepter certains propos et remises en questions, c’est que le journal, Christian et d’autres, ont été longtemps considérés comme non catholiques. Il a fallu vraiment de longues longues années avant d’obtenir une légitimité en tant que parole catho progressiste. Donc il est logique que Golias souhaite rester dans ces limites qui lui permettent d’exister aussi médiatiquement et d’être aligné à lui.
Par contre, j’avais découvert il y a quelques années, que Christian explorait beaucoup de directions de recherche autour de la spiritualité, beaucoup plus ouvertes que ce qui faisait le quotidien du journal. Il avait contacté notamment Gitta Mallasz, celle de Dialogues avec l’ange, différents scientifiques qui travaillent autour de la dimension spirituelle. Donc je ne pense pas qu’il y ait tant que ça un blocage par rapport à ce que tu peux exprimer. C’est plus il me semble, de l’ordre d’un consensus éditorial.
L’Evangile a été comme tu le dis tant de fois remanié, revu et corrigé pour les besoins cléricaux qu’on ne peut pas s’y fier de façon littérale. Il n’y a d’ailleurs toujours aucune preuve historique ou archéologique de l’existence de Jésus. Ca reste donc un outil mythologique autant que peut l’être un livre sur Bouddah, Vishnu, la déesse Cali ou Gaïa. Mais comme tout outil mythologique, ce qui me paraît intéressant, c’est que Jésus dans le récit et par delà toutes les versions possibles et imaginables, donne des clés sur non pas une soumission cléricale mais propose une foi qui s’ancre justement dans une spiritualité personnelle et une recherche intérieure et pas sur du suivisme béat. Ce qui n’est absolument pas pointé du doigt par le clergé si tu observes bien. Ben oui, le clergé attend du suivisme béat et de la soumission à ses diktats.
Il me semble que l’Evangile en tant qu’outil devrait aussi te parler dans ta quête spirituelle, car elle résume il me semble le parcours initiatique spirituel de tout humain, avec différents stades de compréhension, d’éveil, d’acceptation de soi, des autres, etc.
En ce sens, il devrait faire consensus entre toi et Golias sans pour autant que chacun revête le dit Evangile du même vêtement, des mêmes symboles. Et ça c’est la liberté de chacun et c’est ce qui fait toute la richesse de toi comme de Golias.
Je ne sais pas si je suis très claire dans ma démo mais c’est comme ça que je vois la chose.
Cependant, si tu préfères claquer la porte parce que tu as l’impression de plus te respecter ainsi, ok.
Personnellement, j’aime bien Golias, même si parfois, je trouve que le journal ne va pas assez loin dans la critique et dans l’approche. Je trouve par exemple surprenant que étant sur Lyon, Golias n’ait pas fait appel pour un article à l’historien lyonnais Bernard Barc qui fait l’histoire des religions et qui aurait des tas de choses à partager à ce sujet sur les colonnes du journal. Tu vois, ça fait partie des trucs que je ne comprends pas. Parce qu’il me semble super important actuellement de sortir du roman clérical et qui mieux qu’un historien des religions peut le faire?
Si la société des croyants veut pouvoir évoluer réellement et gagner en authenticité, il faut qu’elle connaisse l’histoire des religions et de sa religion en tout premier. Pas en rester au roman récité par le clergé. C’est l’ignorance de ce qui a motivé réellement les religions en tant qu’institutions qui mine et continue de faire perdurer crimes, abus, dénis, dérives.
Mais tu regardes dans une librairie, le rayon histoire des religions se limite à un seul rayonnage avec quelques titres (et pas forcément les meilleurs ni les plus alimentés au plan culturel) quand tout ce qui relève des livres dits religieux au sens large du terme occupent plusieurs étagères et rayons.
C’est te dire qu’il faudra encore du temps pour que tout ça prenne réellement sa place.
Je crois profondément que l’humain a souvent plus peur de la réalité qu’il ne cherche à la connaître. Et c’est souvent cette peur qui constitue son immobilisme, son incapacité à changer ou à faire évoluer une société. Comme si on le sortait de sa zone de confort.
Peut-être une mauvaise gestion de ses limites, que finalement il connaît mal ou peu?
Mais rien n’est jamais désespéré. Je pense Golias plus évolué en terme d’ouverture et de capacité d’ouverture que la plupart des autres journaux cathos.
C’est peut-être juste que pour le moment, le journal n’est pas prêt.
Mais il le sera à court terme car Christian et son équipe voient bien l’accélération des changements, ce vers quoi nous allons en matière d’autonomie spirituelle et comment les croyants se rebellent contre le clergé quand il commet le pire. Même si ça peut leur faire un peu peur, je suis persuadée qu’ils voient ce changement comme positif par rapport à ce qui a été par le passé.
Le système clérical et religieux s’effondre parce qu’il n’offre plus qu’un paravent abusif et criminel. Et qu’il n’a toujours fonctionné que pour préserver des intérêts matériels et non pour favoriser des élévations spirituelles. Aujourd’hui, de plus en plus de croyants désertent une pratique communautaire pour trouver une voie spirituelle uniquement personnelle et intime.
Et pour moi, je le disais tout à l’heure à un intervenant de Golias, Mdc, je trouve que c’est extrêmement encourageant. Ca prouve que l’éducation, l’accès à l’information sont suffisants pour pouvoir se faire une opinion non pas fondée sur la répétition du discours clérical, mais sur véritablement la confrontation de faits historiques, sociologiques, anthropologiques, scientifiques, philosophiques et religieux, psys…et comprendre que ce que racontent les différents clergés de différentes religions, ça reste de l’ordre du mythologique et dogmatique, dans une perspective essentiellement matérialiste (la sauvegarde des intérêts cléricaux) et non pas spirituelle (émancipation, accomplissement spirituel et humain).
Et que la dimension spirituelle, elle est en chacun de nous. Chacun a la sienne avec son parcours personnel et initiatique, son rapport spécifique au divin. Et tout est juste à partir du moment où l’on s’écoute vraiment. C’est notre intuition, notre âme qui nous guident dans ce chemin avec Dieu. Et personne d’autre. Ce n’est pas quelque chose de transposable collectivement au sens d’un récit universel qui ferait rentrer tout le monde dans le même moule. Ca reste vraiment un parcours à chaque fois différent et original, vraiment personnel et qui ne concerne que Dieu et soi.
C’est comme ça que je le ressens et le vis de plus en plus. Et j’ai l’impression (peut-être fausse) que tu es aussi dans ce type de cheminement, même si nous avons des approches différentes.
J’aurai toujours plaisir à te lire.
Mille bises et prends soin de toi!
Amitiés
Françoise
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Merci chère Françoise, j’aime toujours autant te lire.
Je n’ai pas claqué la porte de Golias, c’est Golias qui ne peut plus entendre mes remises en question
De l’Institution religieuse oui, mais pas de l’Évangile
L’aventure avec Christian Terras restera pour moi une incroyable « opportunité », je veux dire dans mon cheminement intérieur
Je ne regrette rien de notre rencontre tellement improbable
Il fut un temps où il n’était juste pas « de mon monde »
Mais aujourd’hui, je ne suis plus du sien.
Ce n’est plus possible, de rester figer sur ses convictions
Le monde est tellement plus… vaste !
bises;
P.
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C’est je pense une question de temps…pas un adieu définitif entre Christian et toi.
La rencontre a été j’en suis sûre, marquante autant pour toi que pour lui.
Et cette rencontre n’a pas relevé du hasard. C’était important pour tous les deux, pour aider au cheminement spirituel et personnel de chacun de vous. Dieu ne fait jamais rien pour rien. Donc vous vous retrouverez,j’en suis sûre.
Golias est toujours dans un processus d’avancée, toi aussi. Et c’est bien là l’essentiel! C’est ça aussi l’universalité, ce mouvement perpétuel d’avancée intérieure, même si les chemins sont différents.
Je t’embrasse très fort.
Amitiés
Françoise
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ENHORABUENA !!!
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L’essentiel étant bien de cheminer sur son propre chemin 😉 !
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