Les catholiques de naphtaline
« L’homme, resté libre, n’a pas de souci plus lancinant, plus douloureux que celui de se chercher, aussi vite que possible, quelqu’un devant qui se prosterner. »
Fiodor Mikhaelovitch Dostoïevski
Ils brandissent l’évangile comme d’autres leurs fétiches. Ils lui ont ôté le tranchant de l’épée. «Si le sel de la terre… », « Sépulcres blanchis… », « La Vérité vous rendra… » Ça, c’est pour les sermons du dimanche. L’homélie achevée, les voilà désormais en règle, et en paix avec leur bonne conscience. Le devoir de la bienséance désormais accompli. Ils ont entendu la bonne parole ! Ils ont le Christ pour eux et l’amour de l’entre soi chevillé au corps.
Ils sont hermétiques au Monde, règlent leurs petites affaires en vase clos, étouffent une seconde fois leurs victimes. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas les pierres crier. Et si vous avez le malheur de leur faire savoir, ils vous traitent de comploteurs, de mécréants ou de cathophobes. Ils ont un côté binaire, et l’œil implacable pour détecter les athées et autres hérétiques pourfendeurs de curés et de la bonne morale. C’est leur marque de fabrique, c’est même à ça qu’on les reconnaît ! Depuis le temps que la barque de Pierre est prise dans les bourrasques, vous pensez bien qu’ils savent discerner les esprits !
Jésus chasse les marchands du temple, vilipende les scribes et les pharisiens qui faisaient peser de lourds fardeaux sans les toucher du doigt. Ceux-là même qui n’avaient de cesse de rappeler la Loi implacable pour briser tout esprit de velléité. Comme ils l’aiment, ce doux Jésus en sucre. Ils l’emmaillotent, une fois par an, dans la crèche de carton-pâte et le prient pour que rien ne change. La foi est un sacré Mystère, autant que leur Histoire Sainte ! « Ils se sont fait une religion », comme on dit. Une histoire de pouvoir et de soumission, parmi tant d’autres ! Pas une histoire de cœur, de rencontre, de « conversion » ! Une religion peureuse, à leur image !
Les catholiques de naphtaline sentent le renfermé. Ils ont fait de l’évangile leur petite chasse gardée, avec des pièges mortels un peu partout. Une parole inodore, incolore et insipide. Une immense secte, avec ses grandes messes. Et des cathos divisés entre eux, les uns à droite, les autres à gauche du Christ. Le vent du large leur a toujours fait peur. Aussi ces courageux apôtres se sont enfermés à double tour, assoupis sur leurs certitudes.
Ce sont des gobeurs de mouches, des bêleurs dans un pâturage grillagé, des coupeurs de cheveux en quatre ! Quand ils ne tombent pas tout bonnement sous l’emprise de ces séduisantes Communautés et Mouvements ecclésiaux, avec leurs gourelles et gourous charmeurs et pervers, le tout avec la bénédiction et le silence complice de « leur » toujours Très Sainte Église catholique. Et lorsqu’ils sortent enfin du bois, pour dénoncer quelques turpitudes notoires et venir présenter, livre à l’appui, leur dernière vision avant-gardiste de l’Église, c’est encore et toujours dans l’esprit de défendre leur Sainte Famille. Mais, ils vous diront qu’ils sont libres. Tels des serviteurs dans une fourmilière ! Et c’est pareil à chaque génération ! Ni partir ni se taire…
Ils sont les gardiens du Temple, du Christ et de son bel évangile. Ils sont aussi libres qu’un prisonnier peut l’être dans son préau, une mouche dans son bocal, un mouton de Panurge qui se laisse tondre en silence. Ils s’invitent entre eux, courent sur les plateaux cathos, entre RCF et KTO, et KTO et RCF. Ils ont le verbe aussi sûr qu’un enfant qui apprend à penser. Ils ne vont pas faire la révolution, juste tenter encore de rafistoler avec quelques rustines la barque qui coule. Jésus en est le Capitaine et eux les braves matelots, c’est une certitude. Tous les papes apostoliques vous le diront ! Hissez la grand-voile…
Ils connaissent les paraboles et autres hyperboles par cœur. « Si le grain ne meurt… », « Le levain dans la pâte… », « L’Église du Christ vit une purification… », « Satan complote mais le Christ vaincra ». Des siècles que, depuis le « péché originel », ils entendent les sermons stéréotypés, qu’ils se confessent pour avoir péché, par action et par omission, et même pour avoir osé ternir la réputation de leur belle Institution. Des siècles déjà qu’ils suivent le bon berger et ont conservé sa Parole dans un musée poussiéreux surmonté d’une grande croix de fer. Il ne leur viendrait pas à l’esprit qu’ils ont tué le Vivant, étouffé le Souffle, brisé l’Esprit de liberté ! L’Histoire religieuse et ses innombrables crimes ne leur apprennent rien ! Ils demeurent inflexibles dans leur aveuglement !
À votre décharge, il est vrai que vous avez été formatés à vous taire, que le petit catéchisme vous a été inoculé au berceau, que vous avez longtemps été priés de ne pas voir les évidences. Ce fameux cléricalisme consubstantiel à l’Église, ces abus de pouvoir sur les corps et sur les consciences. Les hérétiques ont été persécutés, les livres déviants brûlés, les femmes réduites au silence. Et si ce n’est pas un pape qui vous le dit, vous crierez encore au complot… Au Royaume des aveugles, les borgnes sont décidément rois. C’est bien connu, les sectes et leurs dérives, c’est toujours en face. Du côté des ennemis de l’Église.
Experts avérés en inhumanité, porteurs de Vérités mensongères et autres imposteurs véritables, catholiques de naphtaline de bord et de tribord, soyez « libres penseurs », secouez les mythes de vos vieux vêtements et cessez enfin de nous dire quoi et comment penser. L’emprise et ses abus n’ont que trop duré ! Vous n’avez certes pas le monopole de vos turpitudes, mais moins encore celui de l’exemple à « imiter » ! Pour le bien de chacun – et des enfants en premier -, ravalez donc votre théologie de pacotille, votre morale à deux sous, vos contre-exemples légendaires, vos dogmes moyenâgeux, et rejoignez enfin la modernité. Le monde vous attend depuis vingt-et-un siècles déjà, dans l’espoir d’œuvrer enfin à plus d’humanité, et à un peu moins d’esprit sectaire.
Alors peut-être, la vérité nous rendra-t-elle enfin libres...
Pascal HUBERT
Merci Françoise. Merci pour ce triangle, je veux dire ce morceau de bon sens 😉 Quitter le cercle infernal de notre mental trop longtemps conditionné par celles et ceux qui prétendaient nous libérer ! Il n’y a pas de plus grande perversion !
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Hello Pascal
Je me disais en te lisant que ce qui semble être le plus compliqué dans le rapport humain, que ce soit chez l’humain sans grade comme l’humain faisant partie d’une institution quelle qu’elle soit, c’est de sortir du Triangle de Karpman.
Si tu observes bien, notre mode relationnel, peut tout à fait se résumer à ce triangle victime, bourreau et sauveur. Souvent parce que les peurs primordiales n’ont pas été réglées, mais plutôt entretenues dans un but de soumission, de mise en conformité sociale, religieuse, familiale; et aussi parce que ni la famille ni l’école, ni la société, n’ont pour projet d’aider l’humain au cours de son existence à parvenir à sa pleine et entière souveraineté au sens d’un être épanoui, libre et heureux dans tous les aspects de sa vie. La compréhension de cette nécessité ne parvient que bien tardivement chez l’humain, quand elle parvient sur le parcours de vie.
Tant qu’elle n’arrive pas à la conscience ni au coeur, ni à l’âme, tout s’opère pour maintenir l’humain dans un enchaînement et une soumission à l’ordre professionnel, familial, social, religieux par la culpabilité, la peur, la menace, le besoin de sécurité, de mise en conformité. Je ne suis même pas sûre que les naphtalinés dont tu parles aient conscience pleine et entière de cela.
Beaucoup utilisent ce mode relationnel et de fonctionnement parce qu’ils l’ont toujours connu et sans vraiment se poser des questions à ce sujet.
Parce qu’ils l’ont vécu quel que soit le milieu qu’ils ont fréquenté. Donc pourquoi agir différemment?
Il me semble que la rencontre spirituelle authentique, nous permet de nous poser ces questions et d’essayer (je ne dis pas forcément toujours réussir mais au moins tenter) d’en sortir, de travailler davantage un alignement intérieur, un bien-être à la fois personnel et spirituel, pour ensuite pouvoir nous sentir bien déjà et ensuite, partager ce bien-être avec les autres.
Si tu lis le parcours de Jésus, sorti de ce mode de fonctionnement et cherchant à expliquer à ses contemporains qu’on peut vivre autrement son rapport à Dieu, à soi et aux autres, tu constates qu’hélas, il en a payé le prix de sa vie. Car cette souveraineté qu’il professe, qu’il propose, fait peur. Elle diffère du modèle clérical de l’époque, elle diffère du modèle politique, du modèle social et du modèle familial. Elle n’est pas de ce monde au sens où elle défie tous les modèles appris et approuvés humainement.
Jésus choque en définissant la famille davantage sur le mode spirituel que sur le mode biologique.
Il choque en disant que la possession des richesses rend moins disponible pour parvenir à une spiritualité qui fait sens. Il choque en fréquentant les plus pauvres, les plus méprisés et en critiquant le clergé, les marchands.
Le clergé actuel a beau parler de Jésus, il semble n’avoir toujours pas compris le sens profond du message christique. Et de continuer d’enfermer les individus autant que lui dans un mode relationnel et spirituel de soumission et ce fameux triangle. Et le clergé enferme l’évangile dans sa vision du monde, limitée à leurs intérêts et à la préservation du système matériel clérical et patriarcal aussi.
Le contenu des évangiles est beaucoup plus libre que ce que le clergé en a fait.
Et c’est bien là où le bât blesse.
Dieu merci, de plus en plus de croyants s’en rendent compte. Ce qui fait que le système clérical s’effondre au même rythme d’ailleurs que le système politique, social, inscrits dans le même fonctionnement. En voulant tout garder à n’importe quel prix, ceux qui font depuis des siècles la pluie et le beau temps sur la planète, sont en train de tout perdre.
La réappropriation individuelle et collective spirituelle hors cadre clérical, hors cadre social, politique, familial est déroutante pour tous ceux et celles qui ont encore besoin d’une domination et d’une soumission, d’une mise en conformité. Qui n’ont pas pris conscience de l’enfermement et de la souffrance que cela génère.
Quand je lis certains articles de la CCBF ou de NSAE (nous sommes aussi l’Eglise) ou de la Libre Pensée chrétienne, je retrouve ce souffle, cette réappropriation, hors des codes et hors des schémas habituels. Ca fait du bien et c’est encourageant. De la même façon, j’observe en discutant avec différentes personnes, adultes, jeunes, qu’il commence à y avoir une réelle réflexion sur comment se vivre mieux spirituellement et cette réflexion se fait à un niveau personnel, plus en accord avec un respect de soi, des autres et hors des codes classiques ou d’un ralliement religieux. Là aussi je trouve ces démarches chouettes. Hier j’exposais mes élèves médecins et infirmières dans le cadre hospitalier et nous avons eu un partage sur le sujet très intéressant. C’est là que tu comprends le changement de paradigme, qui n’apparaît pas pour le moment de façon très visible, mais que tu vois et entends progressivement à différents niveaux de la société. Loin de la naphtaline…
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