L’homme révolté

L’homme révolté

« Plutôt mourir debout que de vivre à genoux. »

Albert Camus

J’oscille entre cet homme révolté que je suis devenu et le retour au silence bienfaisant. J’hésite souvent entre parler ou me taire, me mettre en danger ou en sécurité, provoquer la polémique ou faire courbe rentrante, partir au front ou vaquer en moi. J’hésite à cause de la solitude, du besoin de reconnaissance, de la peur d’outrepasser les bornes de la bienséance. Peur de me tromper, de passer pour un égotiste, de me mettre en danger ou en avant. Peur de faillir ou, plus profondément, peur de ma faille.

Prendre la parole me fait peur. Je sais mes contradictions personnelles, mes inconstances, mes faiblesses. Je sais les reproches que l’on pourrait m’adresser. Comme pour tout être humain, je sais mes lâchetés, mes mensonges et mes connivences. Mais, malgré tout, j’ai le désir de la liberté chevillé au corps. Le chemin emprunté par Camus, Meslier, Morin, Zineb, Atwood ou Djavann, parmi tant d’autres, est pour moi un morceau de bravoure, de lucidité, de liberté intransigeantes.

Aussi, comme eux, comme elles, je cherche le dépassement, l’humanisation, le désir de vivre, le besoin vital de devenir autre qu’à ma naissance. Cet autre qui bouscule « l’ordre établi ». A sa petite mesure, selon ses moyens, ses fulgurances, mais aussi ses aveuglements. Se dégager de sa condition humaine, de ses conditionnements, de sa famille, de sa culture, de ses croyances, de ses peurs et ignorances.

C’est une nécessité, malgré la peur, malgré le jugement, malgré l’incompréhension. C’est plus fort que tout, plus fort que moi. Je ne peux plus reculer, devant ce besoin de prendre ma vie en main. Je n’ai plus d’autre choix que de muter encore, de reconstruire ma maison intérieure, mon véritable chez moi. J’ai besoin de me posséder pleinement, jour après jour, nuit après nuit. Malgré l’enfer promis, malgré la voix intérieure, malgré l’oeil d’autrui.

Il est des œuvres puissantes qui vous soutiennent et vous encouragent, vous portent et vous emportent. D’un point à un autre. D’une ombre vers la lumière. D’une angoisse à une audace. D’une morne existence à une vie naissante. J’ai besoin de leurs mots, de les laisser descendre. Pour qu’ils œuvrent en moi, m’insufflent l’énergie dont ils regorgent, me remettent debout. J’ai un besoin viscéral de ces femmes et de ces hommes révoltés. De ces hommes et de ces femmes qui refusent telle condition qui n’a jamais été la leur, mais qu’ils et elles ont reçu en héritage, tels une disgrâce, un conditionnement, une fatalité séculaires.

Le plus terrible serait de ne pas avoir vécu avant de mourir. D’avoir subi toute sa vie, à cause d’un « accident de parcours ». D’avoir renoncé, avant même d’avoir persévéré. Mourir en regardant la vie en face, en ayant défié les dieux, en aimant ce monde que j’avais appris à haïr. Mourir une seconde fois, après avoir vécu en homme révolté. Je le dois à cette force de vie, je le dois pour les autres, je le dois pour moi-même. Se relever, tel le phénix de ses cendres. Aimer enfin est à ce prix !

Pascal HUBERT

L’homme révolté, d’Albert Camus : ici.

« Comment définiriez-vous le courage ? C’est l’art de surmonter sa peur. »

EDGAR MORIN

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2 réponses sur « L’homme révolté »

  1. Hello : c’est en marchant que l’on fait son chemin. En acceptant nos émotions, ce qui est déjà extrêmement thérapeutique, on les libère et on se libère d’elles. Les sentiments interdits restent incarcérés dans nos cellules car nous ils prennent naissance dans notre réalité et on ne peut les nier sous peine de SE nier ! Dès lors, ils s’installent n’importe où et nous tenaillent. Cela peut durer des années et, lorsqu’on est jeune, il semble que « ce n’est pas grave » : lourde erreur ! Mais comment devenir soi-même si on renie ses émotions ? Aimer ou ne pas aimer est la base de toute construction car c’est la manière qu’a notre inconscient de nous mener à notre épanouissement. Vous verrez qu’un « moment de honte est vite passé » : débarrassons-nous de ces injonctions émises par des éducations passéistes, supposées forger notre caractère dans la frustration. Nietzche se rebellait déjà contre qui apportait la honte de soi-même. S’exprimer, c’est se définir et prendre sa place, se construire dans l’authenticité, permettre la reconnaissance de son identité, c’est devenir sainement fortEs ! Les peurs sont humaines, elles sont également émotions. Mais « parler, c’est déjà agir » (Eva Thomas), c’est s’affranchir et retrouver sa force vitale originelle.

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    1. L’acceptation de ses émotions est en effet une base pour aller bien et pouvoir avancer sans peur.
      Le souci, c’est que l’éducation et souvent davantage l’éducation des garçons que celle des filles, leur apprend malheureusement à nier ces émotions, à les considérer comme stupides, à s’en méfier, à les reléguer comme autant de faiblesses, apprend à chaque garçon à verrouiller son coeur, son âme. L’éducation apprend rapidement aux hommes à contrôler leur environnement, leurs émotions, à être dans une logique de performance y compris dans le contrôle d’eux-mêmes et des autres…
      Ca n’aide pas à se rencontrer soi-même et encore moins ses émotions.
      Il y a tout un chemin pour retrouver ce qui émeut, transporte, provoque désir, stupeur, effroi sans immédiatement se juger négativement ou entrer dans le déni.
      Et ce chemin passe par l’expression de ses émotions. Que ça passe par l’oral, l’écrit, le geste, une activité artistique…
      L’acceptation de ses émotions, c’est quelque part pour un homme accepter sa part féminine.
      Comme pour une femme, lorsqu’elle accepte d’avoir envie de vivre pour elle-même, selon ses propres codes, pour ses propres projets et pas juste au travers de ce que sa famille, son conjoint, ses enfants attendent d’elle. Elle accepte sa part masculine.
      Et quand chacun va vers l’acceptation de cette part de soi non reliée directement à son genre, l’harmonie et l’équilibre qui en découlent, apportent paix, stabilité et ancrage, donc un sentiment d’unité intérieure, qui fonde l’accomplissement de l’individu et alimente aussi sa créativité, sa puissance de feu, son énergie vitale, sa capacité d’ouverture et de compréhension de soi, du monde qui nous entoure, des autres.

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