Croire en soi

Croire en soi

Douter de soi, en son essence, voilà bien un mal vertigineux qui plonge l’enfant, ayant subi de graves traumas, dans d’effroyables souffrances. L’estime de soi est détruite, et devra être reconstruite à partir du vide. Interminable et terrifiante sera la route, pour déterrer la mort et retrouver les mots. Pour devenir adulte et s’affirmer enfin. Pour reprendre en main sa vie, tombée en lambeaux.

Cette difficulté de croire en soi, ce sentiment de nullité. Ils se manifestent dans cette incapacité de se réjouir de ses propres réussites, à les minimiser sans cesse, voire à les détruire méthodiquement. À cause de cette voix intérieure, qui te convainc que tu ne vaux rien. Alors, tu t’enfermes dans la honte d’être toi, convaincu de ta profonde médiocrité. Alors, tu t’enfermes dans le mutisme, la peur de parler, d’oser dire ce qui est, de t’affirmer en vérité. Voilà tes talents foulés aux pieds, enterrés avant même d’être utilisés. Voilà ta vie réduite en cendres, par incapacité d’être.

Cercle vicieux du besoin de reconnaissance. Jamais assouvi, par le gouffre du manque. Là se vit le tragique de l’existence, la peur d’en sortir jamais. Quel sera le déclic, l’étincelle ? Si ce n’est l’effondrement, la solitude, la destruction des liens mortifères, la parole qui fracture enfin le silence.

Conquérir la parole, comme on conquiert l’Everest. Le mutique, derrière son mur, n’a pas de plus grand désir. Il n’a d’autre choix que d’y mettre toute son énergie, de tenter l’ascension. Sous peine de mort, ça il le sait au plus intime. Il vit l’angoisse, la peur de disparaître sans avoir vécu. Il vit la terrible confusion, la difficulté de trouver les mots qui le sauveraient. Du désespoir, du gouffre où le manque d’amour l’a jeté bas.

Pour ces mots fragiles remontés de la confusion, il faut un temps considérable. Totalement inespérés, et toujours en chemin. Impossible de savoir ce que la vie te réservera demain. Si tu trouveras encore les mots et la force, pour te désentraver et poursuivre la route. Pour te relever encore d’une nouvelle chute.

Qui comprendra ce chemin de solitude, sera capable de te rejoindre à la jointure de l’être. Mais qui, précisément, sinon celui tombé au fond du même gouffre ? Mais qui, sinon celui contraint à la même aventure forcenée ? Pour être entendu de son semblable, il faut être revenu des enfers. Il faut avoir remonté des mots dénudés, qui ne cherchent plus à tromper. Des mots terrifiants de vérité, singuliers et universels.

La force des mots, pour tenter de sortir de la mort. Non personne ne sait, personne d’autre que celui passé par là. Il n’est pas de vertige plus grand que celui-là, celui qui consiste aussi à demeurer incompris de la plupart. Reconstruire son monde intérieur, cet imaginaire détruit. Revenir à l’innocence de l’enfance, à ce monde loin des adultes. Tel est l’inexorable chemin, ces nuits d’insomnies. Qui peuvent vous rendre fou, la vie aussi lointaine que la terre du soleil.

Et quand je serai mort, vous leur direz, n’est-ce pas, que la vie ne fut pas facile et que je ne désire pas d’enterrement religieux. Vous leur direz de ne pas pleurer sur ma tombe, que la vie fut belle malgré tout. Et que, loin de tous ces vendeurs d’illusions, moi aussi j’espère vous revoir. Mais, avant de mourir, je veux encore parler. Et écrire, pour déterrer les mots enfuis, pour vivre plus amplement. Pour aimer et jouir de cette vie, autant qu’il me sera possible…

Pascal HUBERT

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4 réponses sur « Croire en soi »

  1. Hello Pascal

    Je suis passée par là comme toi et comme beaucoup d’autres personnes après de gros traumatismes.
    J’ai pris conscience en 2010 quand je faisais ma thérapie jungienne sur l’enfant intérieur, qu’en réalité quand je me disais que j’étais nulle, que je ne valais rien, ce n’était pas moi qui me disais ça réellement, mais que c’était ce que mon paternel ne cessait de me répéter depuis que j’étais toute gamine. Et comme de bien entendu, à force d’avoir entendu ça, j’ai fini par y croire et par penser que réellement je ne valais rien. J’ai en quelque sorte prolongé l’emprise paternelle en appliquant moi-même la dévalorisation que lui m’adressait. En quelque sorte, en me persuadant que je ne valais rien, je lui donnais raison de m’avoir agressée, violentée, traumatisée. Tu vois jusqu’où ça peut aller? C’est dingue mais ce genre de formule que nous servent nos agresseurs va être comme un poison distillé au quotidien et que nous finissons par nous injecter à nous-même: d’une, parce que nous nous jugeons d’avoir été agressés, violentés comme si c’était de notre faute. De deux, parce que nous finissons par nous dire que c’est parce que nous sommes nuls que nos agresseurs nous ont agressés.

    Avec le psy qui m’a suivie, j’ai découvert que c’était un prolongement des traumatismes et des violences que j’avais subis de la part de mon père. Qu’il fallait pour véritablement sortir du traumatisme, sortir de l’emprise paternelle et de ses fausses croyances à mon propos. Que c’était cette sortie d’emprise psychologique qui me permettrait de pouvoir enfin me réaliser, me guérir de tout ce dont j’avais souffert.
    Et ça s’est révélé vrai.
    Je ne sais pas ce qu’il en est pour toi, ça t’appartient. Mais je voulais te partager cette découverte qui m’a beaucoup aidée durant la thérapie mais aussi post thérapie.
    Une fois que j’ai pris conscience de tout ça, j’ai compris qu’entre la projection négative de mon père et ce que je valais réellement, il y avait un gouffre. Que je devais sortir de la fidélité familiale à mon agresseur de père pour aller découvrir qui j’étais réellement hors de son regard, de son appréciation. Et que là enfin, j’allais découvrir réellement ce que je vaux à tous les niveaux.

    Sortir de cette emprise fut très dur et très long. Beaucoup plus que de couper les ponts après les violences subies. Cette emprise psychologique de l’agresseur persiste très longtemps après les faits les plus violents, même post décès de l’agresseur ou des agresseurs et continue de nous empoisonner la vie durablement. Au moins tant que nous n’arrivons à identifier que le sentiment de néant nous concernant, c’est seulement la projection d’anéantissement posée sur nous par nos agresseurs. Ce n’est pas nous. Et encore moins ce que nous valons.

    Une fois qu’on comprend la situation et que notre conscience est suffisamment éveillée sur le sujet, même si ça va prendre quelques années, le temps de déconstruire les affirmations gratuites de l’agresseur ou des agresseurs, de lancer des projets d’affirmation de soi, de création, etc, on se sent plus léger, mais aussi plus légitime quoi qu’on fasse. On est sorti d’un certain esclavage mental, psychologique. Et l’on peut au moins tenter d’aller explorer et découvrir qui nous sommes réellement et ce que nous valons.C’est ce que je fais depuis quelques années via différents projets artistiques, associatifs, concours, comme des petits défis que je me lance. Et je vois que plus j’ose, plus je reçois de bonnes choses. Alors je sais que je suis sur la bonne route et comme je me sens de plus en plus heureuse et épanouie, je me dis qu’il faut continuer d’avancer.

    Je te souhaite donc de faire ces prises de conscience et de peu à peu découvrir et apprécier qui tu es vraiment hors du schéma négatif et destructeur que tu as reçu.

    Je t’embrasse très fort.

    Amitiés
    Françoise

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    1. Rien n’est irréversible, effectivement, Pascal. Il faut faire confiance à l’enfant que nous avons été avant les violences, les agressions et qui a de nombreuses capacités de guérison et de ressort par rapport aux traumatismes subis. Et il faut nous faire confiance à nous adultes pour pouvoir aider cet enfant que nous avons été à retrouver l’estime de lui (en thérapie jungienne il y a des exercices très bien pour ça) pour que nous puissions l’avoir à nouveau aussi nous adultes. Nous avons toutes les clés en nous pour ça.
      Longtemps, j’ai douté de cette capacité. Mais en thérapie psy jungienne, j’ai compris que tout était entre mes mains et possible.
      Et que je devais simplement m’autoriser à mobiliser ces outils pour changer mon quotidien progressivement.Donc de facto, celui de l’enfant que j’avais été également.

      Une fois que tu comprends tout ça, déjà, c’est un bon bout de chemin parcouru. Ca apaise les tensions, les angoisses parce que tu sais désormais que tout t’appartient. Par contre après, ça te renvoie à ta responsabilité d’activer ou non les possibles qui amèneront le changement.
      Nous reste toujours le libre-arbitre et c’est nous qui choisissons si vous voulons ou pas nous autoriser certaines choses.
      Tu as des personnes qui vont se dire que c’est trop dur, que les peurs sont trop profondes, que c’est trop tard. Et qui vont préférer rester dans le mal-être mais qui leur garantit certains bénéfices (comme l’attention permanente ou régulière sur eux parce qu’ils sont en souffrance) même s’il les maintient dans la souffrance.
      Et puis tu as des personnes comme moi qui se disent: et zut. J’ai suffisamment passé ma vie à souffrir pour m’autoriser enfin à vivre la joie et à me l’accorder dans tous les domaines de ma vie.
      Même si j’ai déjà vécu une bonne partie de l’existence, je m’autorise à vivre heureuse d’ici à ma mort.

      Et plus tu avances, plus tu comprends que ça se passe comme ça depuis très longtemps dans nos vies. Ca n’est qu’une suite d’autorisations personnelles pour faire telle ou telle chose pour réaliser des projets, se sentir exister, aimé, reconnu, etc. Tant que l’on se sent en insécurité et/ou que l’on est sous dépendance, on continue à reproduire, répéter des schémas négatifs, destructeurs. Cette répétition mortifère sous différents aspects et formes, pour plaire à nos parents, pour nous conformer à une image au départ imposée socialement, religieusement, intellectuellement, est là pour au bout d’un moment, déclencher un déclic de « plus jamais ça » et nous obliger à changer et enfin nous aligner par rapport à ce que nous sommes et ce que nous voulons réellement être et faire dans notre vie. Mais faut le temps que ça monte au cerveau et ensuite à la conscience (à l’âme, finalement). Et ça peut prendre un certain temps pour ne pas dire un temps certain. Tu en sais comme moi quelque chose, n’est-ce pas? ;-)))

      Il y a tout un chemin pour vraiment s’appartenir, revenir à nous-même au sens profond du terme, donc nous reconnecter aussi au divin, à la spiritualité, et de façon libre. Mais tout est en nous dès le départ.
      Un truc que j’aurais aimé savoir depuis mon adolescence, j’aurais pu dépasser mes traumas beaucoup mieux et plus vite aussi. Mais bon, même si j’y ai mis le temps, j’y suis arrivée. Comme quoi…hein…y a toujours de l’espoir 😉 Et si j’y suis arrivée alors que je suis plutôt longue à la comprenette, tu en es tout aussi capable. Donc hauts les coeurs!

      Tu vois, ce que je t’explique et que j’ai appris en thérapie psy, je trouve que ça devrait être enseigné à l’école en parallèle aux matières scolaires.
      Ca éviterait bien des souffrances, la persistance de traumatismes. Et ça donnerait aux jeunes de solides bases pour avancer de façon plus heureuse et équilibrée dans l’existence.
      Je regrette vraiment que la psy reste encore trop figée dans une démarche lacanienne alors que la démarche jungienne peut faire tellement de bien…surtout aux personnes qui ont vécu de graves traumatismes.

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