Le jardin

Le jardin

Ils ont piétiné mon jardin et ses lisières naturelles. Nulle herbe folle, nulle fraîcheur sur le sol aride. Seulement quelques craquelures vites réparées. Demeurent le froid, la solitude, la confusion, la terreur et l’ennui des jours qui passent. Un gouffre invisible qui jamais ne se comble. Nulle frontière entre leurs désirs et les miens. Nulle intimité, de jardin secret, de chez-soi inviolable.

C’est la nuit, mais il faut marcher, sourire, étudier, travailler un jour. Faire semblant que la vie est belle, qu’elle vaut la peine, qu’elle a un sens. Comme n’importe quel enfant, tenter de vivre dans le monde, parmi tous ces gens « normaux », avec ce trou béant au milieu. Les années passent, les années lassent. Le Nord est perdu depuis trop longtemps déjà et le vent au fond est si froid. Prendre soin de soi, se faire respecter, marquer ses limites, s’estimer, s’aimer et aimer. Comment fait-on ?

Et avec l’enfance fracassée, le poison de la religion inoculé par les « hommes de Dieu ». Encore un amour conditionnel, un Père courroucé, une faute originelle. Une peur de plus, une honte, une culpabilité. L’être humain est un raté, son Salut lui vient toujours d’un autre. Nul amour de soi possible, nulle autonomie désirable. Éternellement coupable de vivre.

Les liens mortifères de la dépendance étouffent l’être de toute part. Tout est faussé. Le rapport à soi, aux autres, au monde. Survivre dans une humanité vile, déchue, maudite. Dépendre du père, de son humeur. Et du bon vouloir d’une mère, dont il faut être reconnaissant. Pourtant, peu à peu, se remettre debout. Comprendre les impasses, les mensonges, la vie outrageusement volée. Du fond de l’abîme, se relever. Hisser de solides poteaux  aux quatre coins de mon jardin.

Là sont mes limites infranchissables. Je n’appartiens à personne, je suis le seul maître de ma vie. Il est interdit de souiller ma terre, de la rendre stérile.

Peu à peu, la pluie irrigue le sol, les mots dénouent la gorge, l’herbe folle se met à pousser. Peu à peu, les émotions enfuies bourgeonnent. La blessure n’est plus aussi vive, l’identité surgit du néant, l’enfant renaît. L’adulte apprend à s’estimer, à prendre soin de lui, à ne plus se détruire. Ses limites étant posées, il apprend à se faire respecter. Tout redevient possible…

À commencer par l’inimaginable : (s’)aimer.

Pascal HUBERT

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