Les marchands d’illusions

Les marchands d’illusions

« Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que plus ces notions se contredisent et choquent le bon sens, plus le vulgaire les révère, parce qu’il croit opiniâtrement ce que les Prophètes en ont dit, quoique ces visionnaires ne fussent parmi les Hébreux que ce qu’étaient les augures et les devins chez les Païens.« 

Paul-Henri Thiry d’Holbach

Les marchands d’illusions continuent de nous vendre leurs croyances religieuses. En toute liberté, un prélat casque sur la tête dans la Cathédrale Notre-Dame confinée, un pape seul au milieu de la place Saint-Pierre ou, parmi tant d’autres incongruités, un évangélique à la voix menaçante contre le Coronavirus.

Certains pensent encore que Dieu nous envoie la mort pour notre bien, comme au temps de la peste, de la lèpre ou du sida. D’autres, et parfois les mêmes, prient leur Dieu pour être protégés, guéris ou débarrassés du virus. Ils prient aussi longtemps que la maladie ne trouve pas de remède. L’humanité souffrante, c’est leur fonds de commerce. Pendant ce temps, les chercheurs s’affairent et, faute de miracle, Lourdes ferme ses portes. À croire que la raison reste impuissante face à la foi superstitieuse de certains. Que les masses ont besoin d’un guide, quand bien même l’histoire a maintes fois démontré leur imposture.

Les moins superstitieux, à savoir les plus rationnels, ne pensent plus que les maladies sont voulues par Dieu, ni que la maladie puisse être éradiquée par la prière. Mais ils persistent à croire que Dieu peut changer les cœurs. Malgré son silence, malgré la pandémie, Dieu demeure un bienfaiteur. Ainsi le pape continue à professer, en ce temps Pascal, que « tout ira bien… Jésus est sorti pour nous ». Malgré Auschwitz, malgré l’Inquisition, malgré toutes les crises et tous les drames que traverse l’Humanité depuis ses origines. Un Dieu à toutes les sauces, garant de la marche du monde et de notre prétendu Salut. Un Dieu anthropomorphique, construit sur nos peurs et sur nos ignorances. Un Dieu qui, comme par hasard, répond merveilleusement à tous nos désirs les plus enfouis.

Je n’aime pas les vendeurs d’illusions qui nous mentent depuis la nuit des temps. Ils menacent l’humanité, implorent leurs dieux, soumettent les masses, rendent aveugles et pervers les meilleurs d’entre nous. Au nom de leurs Vérités, ils ont le langage faux et rendent la vie plus difficile qu’elle ne l’est déjà. Ce sont des parasites, ils sont la peste et le choléra. Ils sont le problème, jamais la solution. Leurs textes sont des vieilleries, leurs textes sont des prétextes. Volés chez des peuples anciens, transformant en réel de vieux mythes. Ces dépouilleurs de vie nous parlent d’Espérance, comme si nous avions besoin de leur expertise cent fois réprouvée par les faits. Leur « Bonne Parole » n’est jamais gratuite, toujours empreinte de religiosité mielleuse, de condescendance, de prétention déplacée, de charité relative, d’entre-soi.

Voilà donc le moment de revenir à soi, d’être plus solidaire, de prendre conscience de notre finitude, disent-ils. Plus de châtiment divin donc, il ne sert désormais plus à rien d’implorer le ciel. Tout cela était donc faux, fumisterie et bigoterie dépassée. Non, Dieu n’attend plus ça, et ne l’aurait jamais attendu – quel Dieu d’amour voudrait ça ? Non, si la « toute-puissance divine » peut se manifester, c’est désormais au plus profond de notre humanité souffrante. Voilà la nouvelle illusion professée par les religieux et leurs fidèles, elle s’est simplement déplacée du dehors au-dedans. Ainsi, les revoilà qui prétendent nous donner une nouvelle leçon d’humanité. Croyants et incroyants seraient désormais appelés à se joindre dans une espérance commune : comment rendre ce monde plus humain si ce n’est en aimant ?

Et voilà que, derrière cette belle communion de façade, le christianisme entend nous resservir son éternel couplet, cette promesse de vie éternelle : les chrétiens croient en une autre vie qui n’aura pas de fin, parce qu’un homme nommé Jésus est ressuscité. C’est ce qu’ils fêtent en ce jour de Pâques, le passage en hébreu Pessa’h. L’espérance que la mort n’aura pas le dernier mot… Ainsi tant et tant d’illusions professées par une religion au nom d’un Livre, mais l’essentiel serait sauf : une Vie offerte après la mort ! Ainsi, malgré tout, l’Église reste donc cette experte en humanité, celle qui conduit à Dieu, cette médiatrice qui mène au Salut ! L’Église peut ainsi poursuivre sa mission d’évangélisation, et prétendre encore posséder la Vérité ultime sur le sens de la vie !

Cette énième façon de tordre la réalité est effarante, cette manière de rester en lice malgré des siècles de mensonges et de menaces en tout genre, cette volonté de rester un interlocuteur indispensable ! Alors que vous n’êtes jamais que des marchands d’illusions et qu’en matière de leçons, on peut parfaitement se passer de vous…

Pascal HUBERT

La falsification religieuse des valeurs

Mettant en lumière la récupération de la figure de Jésus, Nietzsche analyse à plusieurs reprises la nature du mensonge, dans la perspective de l’affirmation de la vie : « — J’appelle mensonge ne point vouloir voir certaines choses que l’on voit, ne point vouloir voir quelque chose comme on le voit : il importe peu, si oui ou non, le mensonge a eu lieu devant des témoins. Le mensonge le plus fréquent est celui qu’on se fait à soi-même ; mentir aux autres n’est qu’un cas relativement exceptionnel. — Mais ne point vouloir voir ce qu’on voit, ne point vouloir voir comme on voit, ceci est condition première pour tous ceux qui sont d’un parti, dans tous les sens du terme ; l’homme de parti devient nécessairement un menteur. »

Le mensonge est ainsi une conviction qui refuse de s’affronter au réel. La religion et la morale sont fondées sur ce refus, et remplacent la causalité naturelle par une causalité spirituelle, i.e. téléologique et théologique qui rend la vie dépendante d’une sphère de valeurs transcendant le monde.

Le mensonge est pour Nietzsche non seulement le fondement de la religion chrétienne, mais il est devenu inconscient, instinctif, il est devenu un instinct théologique qui pousse à interpréter l’existence d’après des causes, des effets et des êtres imaginaires : « Dans le christianisme, ni la morale, ni la religion ne touche à un point quelconque de la réalité. Rien que des causes imaginaires (« Dieu », « l’âme », « moi », « esprit », « libre arbitre » — ou même l’arbitre qui n’est « pas libre ») ; rien que des effets imaginaires (« le péché », « le salut », « la grâce », « l’expiation », « le pardon des péchés »). Une relation imaginaire entre les êtres (« Dieu », « les Esprits », « l’âme ») ; une imaginaire science naturelle (anthropocentrique ; un manque absolu du concept des causes naturelles); une psychologie imaginaire (rien que des malentendus), des interprétations de sentiments généraux agréables ou désagréables, tels que les états du grand sympathique, à l’aide du langage des signes d’idiosyncrasies religieuses et morales, — (« le repentir », « la voix de la conscience », « la tentation du diable », « la présence de Dieu ») ; une téléologie imaginaire (« le règne de Dieu », « le jugement dernier », « la vie éternelle »). »

Cet instinct de falsification n’est pas seulement le fait des prêtres ; l’instinct de théologien est également caractéristique de la plupart des philosophes occidentaux et des idéalistes, ce qui revient à dire que c’est la quasi-totalité de la civilisation européenne qui est mensongère. L’homme moderne s’est incorporé les bases théologiques de la religion, même quand il rejette, en apparence, le Dieu chrétien. Dans cette perspective, la question de la vérité a toujours été évitée : « Tant que le prêtre passera encore pour une espèce supérieure, le prêtre, ce négateur, ce calomniateur, cet empoisonneur de la vie par métier, il n’y a pas de réponse à la question : qu’est-ce que la vérité ? La vérité est déjà placée sur la tête si l’avocat avéré du néant et de la négation passe pour être le représentant de la vérité… »

N’hésitez pas à laisser un commentaire sur mon blog, un avis, une réflexion ou une suggestion…

ou à m’écrire à deviens.ce.que.tu.es333@gmail.com

3 réponses sur « Les marchands d’illusions »

  1. Si il y a des marchands, c’est qu’il y a des clients.
    Les religions se sont engouffrées dans le besoin profond, universel, de spiritualité et de sacré. C’est la pire réponse que l’on pouvait apporter, mais tant que le quotidien sera désenchanté, marchandé, difficile – me semble-t-il – de mettre en lumière la voie d’une spiritualité leur Dieu. Un espoir ?

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  2. « Il faut chercher un sens à sa vie »C’est le slogan des évêques, lorsqu’ils s’adressent aux jeunes.
    Elle laisse supposer que la vie ne possède pas en elle-même son propre sens. Or ce sens, on le cherche, alors que par essence, il existe déjà en soi-même, prêt à se laisser découvrir et comprendre. Jouir du sens, du « grand » sens de la vie, en puisant dans la vie elle-même. Ce n’est surtout pas l’espérance d’un ciel à gagner ni même celle du bonheur, quoiqu’il peut en découler. Reconnaître le sens de la vie dans l’accomplissement de soi. S’accomplir n’est possible qu’en cheminant au quotidien sur les voies terrestres et humaines, et non dans l’illuminisme d’un –divin- que nous présente les religions. Andréa Richard, auteure L’Essence et les sens de la vie.

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